Scarlet Diva (2000) de et avec Asia Argento

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C’est l’histoire d’une jeune actrice qui en a assez de « faire la pute » devant les caméras et qui désire réaliser son propre film. C’est l’histoire d’une icône des temps modernes qui se brûle les ailes en vivant à cent à l’heure (sexe, drogue et rock’n’roll) et qui se sait également désespérément seule.  C’est enfin l’histoire d’une jeune femme au passé douloureux qui parvient difficilement à faire taire en elle une vision totalement idéaliste et romantique de la vie.

On l’aura compris à la lecture de ces quelques lignes maladroites ; avec Scarlet Diva, la belle Asia Argento se met à nu (dans tous les sens du terme) et répand ses tripes sur l’écran. L’égérie de son père Dario (qui l’a verra dans Le syndrome de Stendhal ne pourra éviter d’en tomber éternellement amoureux) et d’Abel Ferrara (New Rose Hotel) joue ici avec son image et avec le feu.

D’un côté, elle peaufine son mythe d’icône noire en réalisant (plutôt bien) un film au style très « arty » (tournage en vidéo, montage heurté…) se déroulant dans des lieux branchés (grands hôtels luxueux, piscines, salles de concert…) ; de l’autre, elle s’exhibe avec tant de sincérité que cela vire parfois au pur masochisme (elle n’hésite pas à se montrer comme une épave droguée se contentant d’aventures sexuelles sans lendemain).

 

L’une des plus belles scènes du film résume à merveille le projet paradoxal de la cinéaste. On la voit nue face à son miroir en train de se maquiller. L’image qu’elle projette d’abord est celle que nous connaissons : celle d’un visage magnifique et fascinant auquel le maquillage donne des allures de véritable masque. Puis tout à coup, l’actrice s’effondre, étale son rouge à lèvres sur son menton et fond en larmes. En filmant cette soudaine décomposition (à tous les sens du terme puisque le rimmel qui coule donne à Anna des airs de clown désespéré), Asia Argento parvient à exprimer de manière très forte le dilemme de son personnage et nous faire ressentir sa solitude et sa douleur.

Il ne s’agit pas pour la cinéaste, et c’est en ce sens que son film est intéressant, de filmer le classique « envers du décor » à travers une série de clichés assez en vogue dans un certain cinéma indépendant (derrière le strass, les paillettes et le glamour, un univers impitoyable de requins, de fous furieux, de drogués…) mais de tenter, entre le sordide et la grâce, de retrouver son Moi. Et c’est d’ailleurs ce qui sauve quelques séquences qui pourraient paraître convenues (le producteur libidineux qui cherche à lui sauter dessus, histoire véridique si j’en crois les interviews de la belle Asia). Il s’agit d’abord de montrer qu’à n’importe quel moment, Anna n’est qu’une simple image dont tout le monde veut jouir (à l’image de ces deux piliers de comptoir qui la reconnaissent sur une aire d’autoroute et qui veulent voir son tatouage et prendre des photos avec elle).

Qu’elle prenne des photos pour un magazine de mode, qu’elle fasse des essais pour une superproduction hollywoodienne ou qu’elle s’envoie en l’air avec un minable petit dealer parisien ; Anna est en quelque sorte réduite à de la prostitution et se retrouve séparée d’elle-même (est-ce un hasard si Asia Argento interprétera une mère prostituée dans son deuxième long-métrage, Le livre de Jérémie, dont je vous parlais il y a fort longtemps – avis aux amateurs nostalgiques de mon ancien blog délabré !-). Pour échapper à cette réification, elle va courir en vain (très belle scène finale) après un amour impossible et un désir paradoxal d’être mère. Là encore, c’est le côté « image » qui frappe dans sa quête d’Absolu (son amant parfait à les traits d’une icône rock à la Kurt Cobain tandis qu’à la fin du film lui apparaît une Madone). Comme s’il n’y avait finalement pas d’autres issues que de sans arrêt se mirer dans les mêmes morceaux de miroirs brisés.

 

La sincérité de l’actrice réalisatrice est telle qu’elle pousse à l’indulgence quant à certaines maladresses (le côté un tantinet trop « branché » de la mise en scène, quelques clichés quant à la représentation du milieu du cinéma, notamment avec Aaron (tiens ! tiens !) ce cinéaste complètement défoncé à l’héroïne et qui pourrait évoquer l’ombre de Ferrara). A l’inverse, on repère aussi de très beaux passages où s’épanouit un réel talent de cinéaste. Outre ceux que j’ai déjà cités, j’ai été particulièrement sensible au mauvais « trip » d’Anna qui lui offre l’occasion de jouer avec les coloris violents (rouges, bleus…) qui évoquent furieusement les délires baroques de son padre dans Suspiria ou Inferno…   

Disons donc en conclusion que Scarlet Diva s’avère être un essai plus que prometteur…

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