Contre-enquête (1989) de Sidney Lumet avec Nick Nolte, Timothy Hutton (Editions Carlotta Films) Sortie le 3 juillet 2013.

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J'en parlais avec quelques internautes récemment sur Twitter : je connais très mal l’œuvre de Sidney Lumet. Je n'ai jamais vu ses grands « classiques » comme Serpico ou Le prince de New-York et les seuls films que je connaisse sont des œuvres considérées comme  mineures (Le crime de l'Orient-express) ou découvertes il y a très, très longtemps (12 hommes en colère, Family business – vu un été avec ma tante au moment de sa sortie-).

C'est donc avec une certaine curiosité que j'ai abordé ce Contre-enquête, daté de 1989, qui narre les aventures d'un jeune procureur (T.Hutton) chargé dans un premier temps de blanchir un flic aux méthodes douteuses (N.Nolte) avant de tenter de le faire tomber. En effet, ledit flic (Mike Brennan) a abattu froidement un gangster new-yorkais et plaide aujourd'hui la légitime défense...

 

Après un début prometteur et assez intriguant, le film s'avère au bout du compte un poil décevant pour trois raisons. Avant de les énumérer, précisons aussi que je l'ai vu dans un état de fatigue assez avancé et cette raison peut également expliquer mon peu d'adhésion à un récit assez complexe (beaucoup de personnages).

 

Toujours est-il que je trouve en premier lieu ce film beaucoup trop long (près de 2h15) et qu'on s'embourbe un peu dans une intrigue touffue, qui repose essentiellement sur les dialogues et de longues confrontations verbeuses. Alors qu'il possède un réel talent pour filmer des scènes d'action de manière sèche et elliptique, Lumet se perd un peu en étayant plus que nécessaire le côté théâtral de l’œuvre.

 

Le deuxième défaut a un lien avec le premier. Alors qu'il tient un sujet assez fort, le cinéaste tente de s'éloigner de sa ligne directrice pour étoffer le côté psychologique de son affaire. Or la relation amoureuse avortée entre le procureur Hutton et une métisse qu'il a failli épouser il y a six ans est plutôt ratée voire larmoyante. Lumet alourdit constamment son propos en cherchant à ornementer son récit d'une sorte de profondeur psychologique (les relations complexes du jeune homme promu procureur avec le fantôme de son père, un flic irlandais raciste...) qui n'apporte pas grand chose et qu'il abandonne lui-même en cours de chemin.

 

Enfin, j'ai le souvenir de certains critiques reprochant à Lumet son côté « engagé ». Or on retrouve dans Contre-enquête cette dimension un tantinet didactique du cinéaste « de gauche » qui veut absolument dénoncer, en vrac, le racisme, la police corrompue, les connivences entre les politiques, la justice et ladite police... Le jeune procureur occupe la position classique du néophyte plein d'idéaux qui se retrouve projeté soudainement dans un panier de crabes. Alors qu'il souhaite faire éclater la vérité et la justice, il réalise que d'autres tirent les ficelles à sa place et qu'il n'a aucun moyen d'action, aucune solution. Le propos est sympathique mais asséné de manière un peu lourde, notamment lorsque l'ex-fiancée de Hutton lui fait toute une thèse sur le regard qu'il a porté sur son père noir la première fois qu'il l'a vu...

 

L'ensemble pêche donc par ce côté à la fois trop touffu (le film emprunte plusieurs directions sans vraiment aller au bout de chacune) et un peu lourd (l'aspect démonstratif de l'affaire). Il possède néanmoins de vraies qualités. Quelques séquences sont joliment mises en scène (Lumet a un sens très sûr du découpage et la sécheresse de son trait fait parfois merveille) et Contre-enquête bénéficie de l'interprétation de Nick Nolte, ogre exubérant et inquiétant, qui porte le film sur ses épaules face à un Timothy Hutton un peu fadasse dans le rôle du jeune premier.

 

Lumet fait assurément partie de ces cinéastes de « transition » entre le classicisme et le « Nouvel Hollywood ». C'est à la fois ce qui fait son intérêt et qui me donne envie de découvrir ses grands films mais aussi ses limites : en préférant le côté didactique et psychologique au détriment de la sécheresse du genre, il alourdit son propos et se perd un peu en chemin.

Dommage.

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