Planète(s) interdite(s)
La planète des hommes perdus (1961) d'Antonio Margheriti avec Claude Rains
La planète des tempêtes (1962) de Pavel Klushantsev
(Editions Artus Films) Sortie le 6 mai 2014
Les éditions Artus font un tel travail pour la redécouverte du cinéma « bis » que l'on est presque triste d'avoir parfois à dire du mal des films présentés. Mais malgré les efforts fournis une fois de plus (belle copie en version multiple, présentation passionnante d'Alain Petit en supplément), difficile de sauver La planète des hommes perdus que Jean-Pierre Andrevon qualifie dans sa monumentale encyclopédie 100 ans (et plus) de cinéma fantastique et de science-fiction comme « le pire space opera de l'histoire du cinéma ».
Pourtant, ce film est réalisé par le sympathique Antonio Margheriti, artisan touche-à-tout du cinéma italien à qui l'on doit surtout de très beaux films fantastiques gothiques (Danse macabre est une petite merveille). Dans La planète des hommes perdus, quelques scientifiques et cosmonautes tentent de faire exploser un immense astéroïdes qui se dirige vers la terre. Mais le professeur Benson (le vétéran Claude Rains en roue libre), quant à lui, veut étudier « l'étranger » car il pourrait provenir d'une planète lointaine et d'une civilisation disparue...
Difficile de faire plus ringard que ce film plombé par d'interminables discussions pseudo-scientifiques dans une serre et où les soucoupes volantes qui apparaissent soudainement n'ont rien à envier à celles du Plan 9 from outer space d'Ed Wood. Outre le côté très fauché, le film souffre d'un récit conduit n'importe comment et assez obscur. Je ne sais pas si je développe une allergie de plus en plus affirmée au space opera mais j'avoue que pendant 30 minutes, je n'ai rien compris du tout à ce film (même Adieu au langage me semble moins abscons!)
Bref, un film à oublier.
Dans cette collection « SF vintage », je dois admettre que celui que j'attendais le moins – La planète des tempêtes- est celui qui m'a le plus plu. Pour les amateurs purs et durs de SF, j'imagine que cette œuvre soviétique antédiluvienne pourra paraître bien désuète mais elle a le mérite d'être joliment photographiée et plutôt bien construite. Trois astronefs se dirigent vers Vénus. L'un d'eux explose suite à une collision avec un astéroïde. L'un décidera d'atterrir tandis que l'autre restera en orbite même si l'équipage fera une excursion pour retrouver leurs compagnons.
La planète des tempêtes relève moins de la SF telle que nous la connaissons actuellement que du film d'aventures féeriques à la Jules Verne. En voyant ces plantes carnivores en caoutchouc, ces monstres préhistoriques trop vite abattus, ces dinosaures statiques ; j'ai songé à la belle version d'Henry Levin du Voyage au centre de la terre.
A la différence de nombreuses séries B américaines qui insistaient sur le « péril » venu d'ailleurs (comprendre : le péril rouge), Pavel Klushantev exalte, à l'époque des exploits de Youri Gagarine, la valeur de l'homme soviétique à la pointe de la technologie et de la conquête de l'espace. Sans être un film de propagande, il y a quelques répliques qui font sourire, comme ce moment où le robot refuse de répondre quand on lui demande où sont ses maîtres en rétorquant que « l'esclavage a été aboli ». Idem pour ce passage où les cosmonautes rient en songeant que leur arrivée sur Vénus pourrait être interprétée par les habitants comme la venue de Dieu sur terre...
Mais ce qui intéresse le cinéaste, ce sont davantage les aventures que vivent ces cosmonautes. Accompagnés par un robot qui évoque un peu Planète interdite (même si John a moins d'humour que Robby), nos aventuriers doivent résister à de la lave en fusion, à des paysages hostiles et rocailleux (même si la présence d'eau ne correspond pas totalement à l'idée qu'on peut se faire de Vénus).
Bien sûr, les effets-spéciaux laissent à désirer (on repère très facilement les figurants cachés sous des combinaisons improbables) et la mise en scène un peu raide rend parfois assez risible le « sérieux » de l'entreprise (notamment cette réplique d'anthologie : « Un robot peut réfléchir mais pas une femme » (sic)). Mais globalement, on prend un certain plaisir à regarder cette féerie venue de temps qui paraissent désormais si lointain.
Un film à regarder avec des yeux d'enfants, en quelque sorte...