Coffret Max Pécas (4 films) L.C.J éditions. Sortie le 7 mai 2014

Je suis une nymphomane (1971) avec Sandra Julien, Michel Lemoine, Janine Raynaud

Je suis frigide…Pourquoi (1973) avec Sandra Julien, Marie-Georges Pascal

Club privé (1974) avec Philippe Gasté, Michel Vocoret

Sexuellement vôtre (1974) avec Yan Brian, Michel Vocoret, Tania Busselier

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La tentation est grande, lorsqu’on se trouve face à l’œuvre de Max Pécas, d’afficher une mine réjouie et le sourire goguenard de celui qui va pouvoir se faire plaisir en se vautrant dans le second degré. Un texte rigolard et plein de coups de coude dans les côtes du lecteur conquis, c’est fort aisé (je confesse y céder avec le titre de cette note !). A l’inverse, il ne s’agit pas non plus de sombrer dans une certaine complaisance nanarophile qui fait volontiers passer les vessies (pécassiennes) pour des lanternes (benazérafiennes, par exemple) et tend à tout réhabiliter au nom bien commode du kitsch-roi.

Quiconque a vu les comédies de la dernière partie de l’œuvre de Max Pécas sait qu’il n’y a absolument rien à sauver de ces navets franchouillards mal joués, mal écrits, mal filmés et d’une beauferie incommensurable. De là vient le problème : le cinéaste est désormais associé à jamais à ces comédies (notamment sa fameuse « trilogie » de Saint-Tropez : Les branchés à Saint-Tropez, Deux enfoirés à Saint-Tropez et On se calme et on boit frais à Saint-Tropez). Si elles constituent l’essentiel de la troisième et dernière partie de sa carrière (il faut visiblement mettre à part un polar musclé que je n’ai pas vu : Brigade des mœurs), elles sont un peu l’arbre qui cache la forêt et il y eu un Pécas avant Pécas.

Assistant dès la fin des années 40 et tout au long des années 50 de cinéastes du « samedi soir » hélas bien oubliés aujourd’hui (Jacques Daroy, Maurice de Canonge, Alfred Rode), Max Pécas débute comme réalisateur en 1960, au moment où déferle la Nouvelle Vague, avec Le cercle vicieux. Pendant près d’une décennie, il va suivre une carrière assez similaire à celle de José Benazeraf en tournant des polars à petits budgets agrémentés de scènes « sexy ». Sans avoir le talent flamboyant de son homologue, il semblerait que cette première partie de l’œuvre pécassienne mérite d’être redécouverte. D’une part, parce que le cinéaste devient dès 1963 et la fondation de sa maison de production « les films du Griffon » un auteur à part entière (il écrit, réalise et produit ses films). D’autre part, parce qu’il va demander à de grands écrivains de « séries noires » de participer à certains de ses scénarios. Jean-Patrick Manchette travaille sur le scénario de La peur et l’amour et Une femme aux abois tandis que Jean-Pierre Bastid est également associé à l’écriture de La peur et l’amour (décidément, on aimerait bien le voir celui-là !) et a écrit La main noire.

Max Pécas va suivre la trajectoire de la plupart des cinéastes populaires français. Après 1968 et profitant de la libéralisation des mœurs, il glisse tout doucement vers l’érotisme (dès 1970 avec Claude et Greta). Nous allons revenir sur cette période plus en détails mais même s’il pimente à chaque fois un peu plus les ébats qu’il filme, une chose est certaine : Pécas n’est pas un grand érotomane (à la différence de Don José) et filmer le sexe ne l’intéresse pas beaucoup. C’est donc surtout par roublardise et appât du gain qu’il s’est laissé tenter par le genre. Là encore, comme Korber, Mulot, Rollin, Davy, Bénazéraf et même l’ancêtre Willy Rozier, il tâtera (si j’ose dire !) à la pornographie le temps de deux films (Les mille et une perversions de Félicia et Luxure) pour abandonner définitivement un genre qui ne l’attire guère et se consacrer presque exclusivement à la comédie égrillarde à partir de 1977 (l’année du mythique Marche pas sur mes lacets).

Le coffret proposé par L.C.J regroupe quatre films érotiques de Max Pécas réalisé entre 1971 et 1974. A travers ces quatre œuvres se dessine une certaine évolution du cinéma de l’auteur, non pas dans la manière de filmer les corps et le sexe (même si Sexuellement vôtre est un peu plus pimenté – ça reste très relatif- que Je suis une nymphomane) mais dans le ton. En effet, les deux titres tournés avec Sandra Julien (Je suis une nymphomane et Je suis frigide…pourquoi ?) sont de purs mélodrames alors que Sexuellement vôtre est une comédie qui annonce clairement la dernière partie de l’œuvre pécassienne.

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Je suis une nymphomane et Je suis frigide…pourquoi ? sont construits sur les mêmes schémas. Une jeune provinciale est victime d’un « accident » qui détraque sa sexualité. Après avoir sombré dans la débauche à Paris pour tenter de guérir, elle finira sauvée en trouvant… le grand amour. Dans les deux cas, l’héroïne est incarnée par Sandra Julien et c’est sa voix-off omniprésente qui fait avancer le récit en nous faisant partager ses états d’âme.

Notons au passage que si les dialogues de ces deux films sont assez ampoulés, ils sont assez bien écrits : chez Pécas, on ne se « moque » pas, on « persifle » et lorsqu’un personnage dit « tu peux y aller », il n’oublie pas de faire la liaison !

De mon côté, j’avais un très mauvais souvenir de Je suis une nymphomane, vu autrefois un dimanche soir sur M6 sous le titre moins cru de Carole et ses démons. Je me souvenais d’un film horriblement hypocrite et réactionnaire, dénué du moindre soupçon d’érotisme. Le revoir m’a fait un peu réviser mon jugement.

Certes, sur le fond, le film est toujours aussi déplaisant puisque la nymphomanie de Carole est clairement considérée comme une « maladie » (qu’elle a contractée en faisant une chute dans un escalier !). Tout le long du récit, nous devrons subir les lamentations de cette pauvrette victime de ses désirs insatiables (il existe pire, me semble-t-il !). Qu’une femme puisse être ainsi inassouvie semble être un grand péché pour Pécas qui n’hésite pas à l’envoyer voir un curé et qui la sauvera grâce au grand et unique amour ! Dès Je suis une nymphomane, Pécas affiche clairement son double jeu : d’un côté, profiter de la libération des mœurs pour s’encanailler et montrer de la fesse à vil prix, de l’autre, jouer les moralisateurs et renvoyer tout le monde à ses foyers et à l’amour conjugal à la fin.  

Mais si on passe outre cet aspect pudibond et hypocrite, Je suis une nymphomane n’est pas un mauvais film. C’est un mélodrame correctement filmé et plutôt joliment photographié. J’ai été très surpris par la bonne tenue de nombreuses séquences et par ces jeux habiles de lumières rouges qui font que l’œuvre semble parfois éclairée comme un giallo. A ce titre, la séquence du manège où Carole commence à délirer est vraiment très réussie et assez fascinante.

L’érotisme reste très soft (Pécas n’est pas Lars Von Trier) mais la belle Sandra Julien est suffisamment bien mise en valeur pour combler le spectateur.

Avec Je suis une nymphomane et Je suis frigide…Pourquoi ?, Pécas adapte à la fiction un sous-genre de la « sexploitation » très en vogue à l’époque : l’« hygiene picture ». En effet, à la fin des années 60, il y eut une mode (surtout chez nos voisins teutons mais pas seulement : voir les films de Pierre Chevalier chez nous) pour les films « d’éducation sexuelle ». L’avantage était double : racoler un public toujours friand d’images inédites sur le sujet et se draper dans une pseudo-objectivité scientifique pour ne pas affoler les ligues de vertu.

Avec ces deux films, Pécas cherche à embrasser tout l’éventail de ce que pourrions nommer, faute de mieux, le « désir féminin ». Après être devenue nymphomane, notre pauvre Sandra Julien va devenir frigide dans le film Je suis frigide…Pourquoi ? Avouons que la raison de ce blocage est plus logique que dans le film précédent puisque, fille de jardinier, elle se fait violer par le fils (et la complicité de sa sœur) du patron ! Mais hélas, le film sera tout aussi nauséabond sur le fond que Je suis une nymphomane puisque le cinéaste ne condamnera quasiment pas ce crime, allant même jusqu’à faire dire à un docteur : «au fond, peu importe le viol » (sic !). On comprendra que Doris, au fond, était amoureuse de son agresseur et qu’elle retrouvera le plaisir en entamant une liaison avec lui ! (sous-entendu : ce n’est pas vraiment un viol puisqu’elle était déjà amoureuse du jeune homme. Mouais…)  

Pour le coup, le film n’est même pas sauvé d’un point de vue cinématographique et s’avère bien moins intéressant que Je suis une nymphomane. On s’ennuie beaucoup et ce ne sont pas les quelques gags qui parsèment le récit (lorsque Doris est devenue call-girl) qui éveilleront l’intérêt.

J’ai parlé l’an passé de Club privé, mélo coquin pas désagréable mais tout aussi moralisateur. Je n’insiste pas plus et vous renvoie à ma note. Je notais déjà la présence d’un humour égrillard qu’apportait la présence de l’ineffable Michel Vocoret (qui tient d’ailleurs un petit rôle dans Je suis une nymphomane). On retrouve le bonhomme comme acteur et aux dialogues de Sexuellement vôtre qui, pour le coup, est une véritable comédie (que cette comédie soit drôle est une autre affaire !)

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Le spectateur y suit les frasques de Gérard Casanova (Yan Brian), descendant du grand séducteur, qui exerce la profession de « call-boy ». Chaque rendez-vous galant qu’il offre, moyennant finance, à une gente féminine conquise d’avance par ce play-boy à moustaches donne lieu à une saynète paillarde. La plupart du temps, les situations relèvent du vaudeville (Vocoret fouetté par une vieille baronne en corset adepte des jeux SM) et « l’humour » repose sur des voix-off qui nous font partager les pensées contradictoires des personnages.

Un seul bon gag à sauver : Casanova se livre à de chaudes étreintes avec la belle Valérie Boisgel au son d’un violon romantique. Nous pensons qu’il s’agit d’une musique extra-diégétique mais à la faveur d’un panoramique, nous découvrons que Michel Vocoret est en train de jouer dudit violon au pied du couple !

Pour le reste, c’est assez pathétique et annonce clairement la dernière partie de carrière de Pécas : Vocoret en fait des tonnes, les gags volent au ras des pâquerettes (à l’époque, ça faisait beaucoup rire de dévoiler après coup que les femmes avec qui le héros venait de batifoler étaient en fait des travestis !), l'érotisme est presque aussi émoustillant qu'un stand de charolaises au salon de l'agriculture et la réalisation est d’une médiocrité affligeante.

De ce coffret fort sympathique au demeurant, on retiendra surtout Je suis une nymphomane (et éventuellement Club privé) et l’idée que ce Max Pécas, aussi roublard fut-il, mériterait quand même d’être redécouvert… 

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