Unstoppable (2010) de Tony Scott avec Denzel Washington, Chris Pine

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Saviez-vous qu'il était désormais dangereux de dire du mal du cinéma de Tony Scott ? Le pauvre Jérémie Couston, critique à Télérama, se souvient sans doute encore du lynchage qu'il a subi de la part d'internautes incultes lorsqu'il a osé signer une nécrologie fort peu révérencieuse de l'inoubliable auteur de ces « chefs-d’œuvre » que sont Top gun et Le dernier samaritain. Le « geek » qui pense que le cinéma est né avec Star wars ne supporte plus qu'on ose émettre des réserves sur un cinéaste qu'il est désormais très « tendance » de louer chez les sommités de la critique branchouille.

Pour ma part, si tous les films que j'ai pu voir de Tony Scott m'ont paru épouvantables (Spy game un peu moins que les autres), je dois aussi admettre que je n'en ai pas vu énormément. Du coup, je me suis décidé à regarder Unstoppable, sa dernière réalisation, pour tenter d'avoir une vision plus « objective » de son œuvre.

 

Admettons qu'il soit logique que le scénario d'un film sur un train fou sans conducteur et menaçant de se renverser avec toute sa cargaison de substances explosives puisse tenir sur un ticket de métro. Le problème n'est pas là : on connaît tous des chefs-d’œuvre reposant sur des scénarios minimalistes ou des ficelles simplistes.

 

En revanche, c'est tout le reste qui pose problème avec ce film tapageur et sans le moindre intérêt. Tony Scott nous propose un film de pure « action », boursouflé à la testostérone (il échouera sans problème à cette abomination sans nom, ce qui pourrait presque nous le rendre sympathique !), aux explosions et à la vitesse. Pourquoi pas ? Ce n'est pas franchement ma tasse de thé (je le reconnais volontiers) mais il m'arrive d'apprécier certains esthètes du genre (Tsui Hark, John Woo, certains Johnnie To...). Le problème, c'est que la mise en scène d'Unstoppable est tout bonnement atroce. Tony Scott débute son film comme une mauvaise série télé pour M6 (avec incrustation du nom des lieux à l'image) et soumet ensuite le récit au traitement choc d'un montage parkinsonien qui ferait passer le Tueurs-nés d'Oliver Stone pour du Straub ! Face à cette immonde bouillie visuelle où pas un plan ne dure plus d'un seconde, difficile de parler de « mise en scène » puisque Tony Scott est incapable de donner un quelconque sentiment de l'espace ou de construire un tant soit peu un personnage (la palme allant à Chris Pine, endive inexpressive d'une fadeur totale).

Le pire, c'est que Scott cherche à doper par le montage un récit où il se montre totalement incapable de filmer la vitesse. C'est d'ailleurs une des tendances actuelles d'Hollywood : confondre le bout à bout inorganisé de (micros) plans avec l'action qui repose avant tout sur la performance des acteurs, le sens de l'espace du cinéaste, le jeu avec toutes les dimensions du cadre (Unstoppable est un film, bien évidemment, sans aucune profondeur de champ) et un découpage très précis.

Chez Scott, on ne sait jamais pourquoi la caméra filme telle chose plutôt qu'une autre. Alors parfois, le réalisateur recadre à coup de petits zooms très laids ou de panoramiques filés maladroits, coupe à n'importe quel moment, fait tanguer sa caméra... toute une série de tics qui s'avèrent, finalement, éreintants et d'un ennui total.

Le pire étant sans doute atteint lorsqu'il filme les deux filles de Denzel Washington : caméra qui cadre élégamment des fesses moulées dans un mini-short, musique de fond atroce, écran géant de télé ou fast-food... On se croirait dans un clip de rap mongoloïde et si ce mot ne veut plus dire grand chose et semble avoir déserté le champ lexical de la critique (sans doute à raison!), je qualifierais volontiers le cinéma de Tony Scott de « vulgaire ».

 

Tout est moche dans Unstoppable : le filmage, la musique, les couleurs, les personnages sans intérêt... Petit détail qui trahi d'ailleurs l'incapacité qu'a le cinéaste d'adopter un point de vue. Pendant la course poursuite finale entre le train fou et les deux héros qui cherchent à l'immobiliser, un hélicoptère suit l'action, ce qui ne paraît ni très logique et pratique lorsque Chris Pine cherche à communiquer avec Denzel Washington (il y a déjà le bruit du train!), ni quand le plus jeune des deux se prend plein de céréales dans la figure avec une premier essai raté pour raccrocher le train.

Le spectateur se demande ce que peut bien foutre ce maudit hélicoptère qui ne sert à rien sinon à faire plus de bruit. Peut-être est-ce la télé qui suit l’événement ? Sauf que lorsqu'on nous inflige lesdites images télévisuelles, on voit à nouveau cet hélicoptère ! Où se cachait alors l'équipe télé ? Dans un autre hélicoptère ?

Le spectateur l'ignore mais ce détail infime finit de prouver que derrière la caméra, il n'y a assurément jamais eu personne...

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