Beyond the valley of the dolls (1970) de Russ Meyer avec Dolly Read, Cynthia Myers, Marcia McBroom, Charles Napier

 pasmal.jpg

Lorsqu’on évoque le nom de Russ Meyer, le commun des mortels pense immédiatement à son incroyable gynécée d’héroïnes aux formes généreuses (ce qui est, on en conviendra, un doux euphémisme !). Pourtant, on aurait tort de réduire son œuvre à des films « sexy » peuplés de femmes aux poitrines opulentes. Il y a indéniablement un « style » Russ Meyer et on peut résolument le qualifier d’ « auteur » en ce sens que le cinéaste s’est toujours affranchi des carcans des genres où il officiait (le « nudie », le mélodrame sudiste poisseux à la Lorna, la comédie bigarrée…) pour imposer ses obsessions et son style.

Beyond the valley of the dolls (également connu dans nos francophones contrées sous le titre de Orgissimo (sic !) ou Hollywood Vixens) est une exception dans la carrière du maestro puisqu’il s’agit de son premier (et dernier !) film tourné pour un grand studio, en l’occurrence la Fox de Zanuck ! De plus, il a été coécrit par le respectable Roger Ebert, l’un des critiques américains les plus reconnus qui s’amuse ici avec le cinéaste a parodier le film de Mark Robson The valley of the dolls.

Tout cela produit une œuvre hybride, à la fois dans la droite lignée des comédies déjantées du cinéaste (les excellents Faster pussy cat, kill !kill ! ou Vixen) et en même temps beaucoup plus « sage » (beaucoup moins de nudités ici qu’il y en aura par la suite dans des films comme Supervixen ou Megavixen).

 

Un groupe de rock, composé de trois jeunes et jolies jeunes filles et de leur impresario, voyage jusqu’à Los Angeles où il est remarqué par le milliardaire Ronny Harzel. Celui-ci va lancer la carrière de ces turbulentes poupées (les trois actrices sont à croquer !).

Commencé comme une sorte de comédie musicale ou de « success story » à l’américaine, Beyond the valley of the dolls devient vite une satire féroce et réjouissante du « show business » et d’un univers factice où règne la drogue, l’alcool et le vice. 

Comme la plupart des films de Russ Meyer, celui-ci est une bande dessinée qui conjugue avec bonheur l’outrance et le mauvais goût. On y retrouve tout ce qui fait le style du cinéaste : un montage incroyablement vif et inventif (petite réserve ici : nous sommes presque parfois à la limite du clip tant le film est découpé), des couleurs vives et agressives, des personnages hauts en couleurs (avec l’inénarrable Charles Napier et sa mâchoire carrée qui fera les beaux jours de Supervixen) et une narration frénétique qui navigue d’un personnage principal à un autre (il y en a au moins six !).

Comme toujours chez Russ Meyer, les femmes ont la part belle et sont loin d’être les poupées écervelées qu’on pourrait imaginer dans ce genre de films. Ce sont elles qui mènent la barque et qui imposent leurs désirs aux hommes (présentés toujours de manière plutôt négative).

Tout cela est plutôt bien fait et même si Beyond the valley of the dolls ne me paraît pas être le film le plus réussi du cinéaste, il y a de très beaux moments, notamment ce final totalement déjanté où il renoue avec sa veine la plus cartoonesque (nazi en goguette, héros qui perd la tête et trucide tout son entourage, tête coupée, courses-poursuites menées tambour battant…)

Ce final est particulièrement réussi car il reprend des éléments vus à l’ouverture du film mais en leur redonnant un sens absolument différent de ce qu’on avait pu imaginer au départ. Il y a là un jeu sur la notion de point de vue qui est aussi efficace que réussi !

 

Le côté échevelé de cette mise en scène bariolée et délirante est sans doute la part la plus réussie du film (la bande-son saturée de bons rocks 70’ est un régal). Tout ce qui relève de la satire du show-business est un poil plus convenu, notamment lorsqu’une voix-off se charge de tirer une « morale » de tout ce qu’on a vu à la fin du film. Certes, en fait de morale il s’agit encore de second degré mais un second degré qui « gâche » parfois le propos du film car il apparaît un peu « plaqué » et n’a pas la fraîcheur de cet humour ravageur qui fait le charme des « nudies » de Russ Meyer. On sent ici davantage la « patte » du critique un brin trop conscient de ses effets et qui cherche, d’une certaine manière, à faire du Russ Meyer.

 

Cette petite réserve ne nous empêchera pas de trouver Beyond the valley of the dolls tout à fait jubilatoire ni de lever une fois de plus notre verre à la mémoire de ce grand cinéaste qu’était Russ Meyer !

Retour à l'accueil