Tiens, voilà du Bouddha...
Détective Dee, le mystère de la flamme fantôme (2010) de Tsui Hark avec Andy Lau, Tony Leung Ka-Fai
Je me souviens que lorsque j’ai commencé à me passionner pour le cinéma par le biais du fantastique, Tsui Hark n’intéressait personne à part quelques amateurs qui avaient pu voir son film « culte » : Zu, les guerriers de la montagne magique (que je ne désespère pas de voir un jour !). A la faveur d’un engouement (légitime) pour le cinéma asiatique, y compris les films d’action (John Woo, Johnnie To…) ; Tsui Hark est devenu une sorte d’icône moderne, parangon d’un cinéma entièrement voué à la vitesse et à l’action.
Pourtant, si l’on ne peut nier les qualités de films comme Il était une fois la Chine (je n’ai vu que le deuxième volet mais c’était plutôt bien) ou le très bon Time and tide ; il est également arrivé à Tsui Hark de se fourvoyer et de nous torcher quelques bouses ignobles (Double Team et Pièges à Hong-Kong avec Van Damme). Son aura me semble donc un peu usurpée.
J’étais néanmoins curieux de découvrir ce Détective Dee qui a bénéficié d’un accueil critique tout à fait délirant et qui permet à Tsui Hark de mêler des aventures fantastiques avec de l’action et une certaine fantaisie. Certains ont parlé d’un Indiana Jones chinois à propos de ce récit débridé où un talentueux détective est engagé par l’impératrice pour éclaircir un mystère lié à la mort par combustion spontanée d’individus ayant séjourné dans la grande statue de Bouddha qu’elle est en train de faire ériger.
Avouons que le début est intrigant et que tous les ingrédients sont présents pour un beau spectacle : un postulat « policier » avec une enquête sur des morts mystérieuses, des décors somptueux (le film se déroule en l’an 690), une touche de fantastique avec des cerfs pouvant parler et des hannetons inflammables et le sens de la vitesse du réalisateur.
Malheureusement, le film retombe assez vite comme un soufflé, principalement pour deux raisons. Tout d’abord, pour réussir un film qui soit dans le pur plaisir de la narration et du « conte », il faut une certaine rigueur et un sens du récit que Tsui Hark ne possède pas. Très vite, le scénario de Détective Dee devient confus, obscur et s’embourbe sur des pistes qui s’avèreront des impasses (ce « conseiller » mystérieux qui n’était en fait qu’un tour de ventriloquie).
D’autre part, l’intérêt du cinéma de kung-fu et d’action réside, à mon sens, dans la manière dont les cinéastes parviennent à chorégraphier les mouvements, les gestes, les figures du combat. On a loué la célérité du cinéma de Tsui Hark mais il me paraît évident que dans Détective Dee, il confond vitesse et précipitation en se montrant incapable de donner un souffle aux mouvements des personnages. Le film est assez tapageur, relevant d’ailleurs davantage de cette esthétique internationale estampillée MTV où le hachage des plans et l’esbroufe tiennent lieu de style. Il fut de bon ton à une époque de snober Tigre et Dragon d’Ang Lee, accusé à tort d’être une resucée académique du cinéma de genre asiatique destinée au public international ; mais c’est pourtant un film beaucoup plus inventif en terme de chorégraphie et de mise en scène.
Ici, l’extravagance lasse et les images de synthèses auxquelles a parfois recours Tsui Hark témoignent plus que tout de son échec : elles sont d’une laideur indicible et brisent le « pacte de croyance » qu’un cinéaste conteur a comme devoir d’instaurer avec son spectateur.
Encore une fois, le cinéaste n’est pas dénué de talent mais dans le cas présent, le trop est l’ennemi du bien…