Une série de tueurs : les serial killers qui ont inspiré le cinéma (2014) d'Axel Cadieux (Capricci. 2014)

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Débarrassons-nous d'emblée du seul (petit) reproche que l'on peut faire à ce livre et qui tient sans doute moins à l'auteur qu'à l'éditeur. Peut-être est-ce une déformation professionnelle mais je déplore, comme dans l'ouvrage consacré récemment aux frères Coen chez Capricci, l'absence de bibliographie en fin d'ouvrage. De part le format spécifique de la collection Actualité critique (de petits livres courts), on suppose à chaque fois qu'il s'agit d'une invitation à prolonger la réflexion, à approfondir et on aurait aimé avoir les références des livres, des sites sur lesquels se sont appuyés les auteurs.

Cette réserve faite, l'essai d'Axel Cadieux est réellement passionnant. Le tueur en série est une figure incontournable du cinéma et il serait difficile d'énumérer tous les films qui ont eu recours à ce type de personnage. De nombreux cinéastes ont d'ailleurs puisé dans la réalité des faits divers pour élaborer leurs fictions (plus ou moins proches de la réalité). L'auteur nous propose ici un petit panorama de ces affaires célèbres qui ont inspiré le cinéma, du tueur de M le maudit de Fritz Lang, personnage composite inspiré de plusieurs criminels fameux jusqu'à Manuel Pardo, ancien flic drogué devenu assassin, qui inspira la série Dexter.

L'enjeu du livre d'Axel Cadieux n'est pas de proposer une réflexion sur la figure du serial killer au cinéma (ce livre reste à faire) mais de montrer comment la réalité a pu irriguer la fiction. Si l'on ne trouvera pas ici d'analyses de séquences précises ni même de réflexion sur la mise en scène des films, l'auteur a le mérite de ne pas oublier la dimension « cinématographique » de son projet. De manière très habile, il montre ce que le cinéma a pu accaparer dans les faits divers pour jouer avec des terreurs universelles du spectateur tout en soulignant la façon dont certains films ont mis en valeur un cachet de vérisme alors qu'ils sont en grande partie romancés. L'exemple d'Ed Gein, le « boucher de Plainfield » est très parlant. Ce criminel inspira Tobe Hooper pour son chef-d’œuvre Massacre à la tronçonneuse. Axel Cadieux souligne bien les liens existants entre ce singulier criminel et le personnage de Leatherface tout en rappelant que l'homme n'a jamais tué quiconque avec une tronçonneuse et que l'inoubliable famille dégénérée inventée par Hooper est une pure fiction. La force du film est de jouer sur un cachet vériste (avec cet inoubliable style documentaire crasseux) pour provoquer chez le spectateur une terreur jusque là inédite. A tel point que le film est souvent cité comme un parfait exemple du cinéma « gore » et de l'horreur pure alors qu'il tire sa force de la suggestion et qu'il ne montre quasiment rien. J'ignorais, en revanche, qu'Ed Gein avait également inspiré Hitchcock pour Psychose et le Buffalo Bill du Silence des agneaux de Demme.

 

Ces figures de psychopathes ont imprégné l'imaginaire collectif (surtout américain) et c'est, par exemple, une excellente idée d'avoir évoqué la figure du « Zodiac » non pas en revenant sur le très beau film de Fincher mais en s'appuyant sur le Dirty Harry de Siegel où l'ombre du tueur en série plane constamment.

Parfois, la figure du tueur permet à un cinéaste de revisiter son genre de prédilection tout en le faisant évoluer. Le chapitre consacré à Danny Rolling, l'éventreur du campus qui inspira Wes Craven pour Scream, est, à ce titre, remarquable. Cadieux montre très bien l'évolution d'un cinéaste qui utilise la figure du « serial killer » à des fins ironiques et réflexives tout en préservant dans le récit de véritables scènes de terreur (que l'on peut attribuer au scénariste Kevin Williamson, marqué par ce fait divers sanglant).

 

En guise de conclusion, on a envie de dire que la réussite de cet essai tient à la manière palpitante dont l'auteur narre ces faits divers. Même s'il avait fait le choix de ne jamais évoquer les adaptations au cinéma, Axel Cadieux parvient à faire de ces histoires sanglantes de véritables « films ». Comme il le dit à un moment « la réalité est souvent encore plus démente que la fiction ».

Il y aurait un livre entier à écrire sur la fascination/répulsion que peuvent inspirer ces tueurs en série. Ce n'était pas l'objet de l'ouvrage d'Axel Cadieux dont on espère sincèrement qu'il poursuivra son projet avec un deuxième volume où l'on espère voir apparaître, au hasard, l'étrangleur de Boston, Elisabeth Bathory et tellement d'autres. On peut d'ores et déjà parier que ce deuxième volume sera aussi exaltant que le premier...

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