Le trou normand (1952) de Jean Boyer avec Bourvil, Brigitte Bardot, Roger Pierre, Noël Rocquevert, Pierre Larquey, Jeanne Fusier-Gir

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A la mort de Célestin Lemoine, Hippolyte (Bourvil) -un grand benêt d'une trentaine d'années- doit obtenir son certificat d'études s'il veut hériter du Trou normand, l'hôtel familial que convoitait avidement une vieille tante acariâtre (Augustine).

 

Jean Boyer est un cinéaste prolifique, plutôt sympathique mais très inégal. S'il est parvenu à réaliser quelques comédies impertinentes plutôt réussies (J'avais sept filles ou l'excellent Sénéchal le magnifique avec Fernandel), il a aussi filmé de beaux nanars qui ne resteront pas dans les annales du septième art (C'est pas moi, c'est l'autre avec Fernand Raynaud). Auteur de nombreuses chansons (il n'est pas le fils de Lucien Boyer pour rien!), il doit sa petite renommée à certains de ces titres, ne serait-ce que le Comme de bien entendu qu'on entend dans son film Circonstances atténuantes

 

Le trou normand n'est pas un film désagréable mais il ne compte pas parmi ses œuvres les plus réussies. Il fonctionne sur une opposition assez classique : celle de l'adulte qui a conservé son âme d'enfant contre l'esprit de lucre et la cupidité. Et pour le coup, Boyer va au bout de la logique et offre à son personnage... un retour vers les bancs de l'école. Le cinéaste s'appuie ici sur la performance de Bourvil qui peaufine son personnage de benêt rêveur, incapable de comprendre que la cousine dont il est amoureux se joue de lui et qu'il se fait manipuler par son odieuse tante.


Je confesse humblement que j'ai toujours eu du mal avec cet acteur qui ne me fait que très rarement rire (en revanche, il me touche énormément dans Le cercle rouge). Son jeu se limite à un air ahuri et à des bégaiements disgracieux que je ne parviens pas à trouver drôle.

Le film souffre, à mon sens, de cette prestation en roue libre qui plombe la verve humoristique d'un récit très « années 50 ». C'est d'ailleurs ce type de scénario (« du sépia plein les doigts ») qui revient à la mode aujourd'hui, notamment chez cette nullité de Danny Boon qui se plaît à jouer les ersatz de Bourvil : ancrage dans le « terroir », système D et solidarité villageoise, exaltation de valeurs « simples » (amitiés, fraternité, bon sens...) opposée à l'intellectualisme et à l’appât du gain.

 

On ne peut pas parler de nostalgie à l'époque du Trou normand puisque nous sommes au cœur de ces années-là, avec ce que cela peut supposer aujourd'hui de pittoresque : la Communale, le facteur qui boit sa petite goutte, le bistrot où se retrouvent les villageois...

 

Ce qui sauve ce cinéma franchouillard antédiluvien de la ringardise totale, c’est la distribution. Mis à part Bourvil, le film s’appuie sur une palette de seconds rôles épatants. Le talent de Boyer est ici de confronter les anciennes et nouvelles générations. Côté jeunes, on sourira de voir apparaître en impresario collant un Roger Pierre qui joue avec délectation les séducteurs de sous-préfecture. Mais c’est surtout Brigitte Bardot qui attire l’attention puisqu’il s’agit de son premier rôle au cinéma et qu’elle dégage déjà, malgré sa grande jeunesse (elle avait alors 17 ans), une indéniable présence (surtout physique).

 

Autour de ces nouveaux venues, une galerie de « gueules » comme savait en créer le cinéma populaire français : Pierre Larquey en patron de bistrot, le génial Noël Rocquevert en maire et médecin ou encore Jeanne Fusier-Gir, éternelle second rôle de Sacha Guitry à… Emile Couzinet !  

Ce sont ces silhouettes pittoresques qui donnent un petit charme au film et qui rendent compte d’un certain mode de vie provincial dans cette France des années 50.

 

Dommage seulement que ce film ait été présenté dans une hideuse version « colorisée » (j’espère que cette mode d’une époque est définitivement enterrée !) où le noir et blanc d’origine est transformé en couleurs pastels pâlichonnes dégueulasses et qu’il ait été rallongé de près de 20 minutes par deux interminables coupures publicitaires.

Il me semblait qu’à une époque, la chaîne Paris-Première était estimable : ce n’est visiblement plus du tout le cas !

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