La fille du 14 juillet (2013) d'Antonin Peretjatko avec Vimala Pons, Vincent Macaigne, Serge Trinquecoste

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Dans le paysage de plus en plus dévasté de la comédie « à la française », entre le désert des grosses productions formatées pour le prime-time télévisuel et les comédies « d'auteur » anémiques à la Pascal Bonitzer ou Brigitte Roüan ; La fille du 14 juillet a le mérite d'être un film gonflé et qui ose tout.

Cela faisait longtemps (depuis Mocky?) qu'on n'avait pas vu un tel défilé de trognes, une œuvre qui ose l'immersion totale dans le comique le plus loufoque, les gags les plus absurdes, les envolées nonsensiques les plus improbables...

 

Sur le papier, le récit obéit à un double-mouvement contradictoire : d'un côté, le périple vers la mer d'Hector qui, accompagné de ses amis, tente de retrouver Truquette, une jolie demoiselle qui l'a fait succomber. De l'autre, un mouvement global vers la capitale puisqu'en raison de la crise économique, le gouvernement a décrété la réduction des vacances et une rentrée avancée d'un mois.

Cette trame n'est, pour Peretjatko, qu'un vague prétexte pour accumuler les gags « hénaurmes », les digressions fantaisistes (chaque anecdote racontée par un des personnages devient une petite saynète drolatique) ou les facéties les plus absurdes (invitée à un dîner par un excentrique docteur Placenta, l'une des filles se fait servir la soupe dans un assiette trouée).

 

L'auteur se place délibérément dans le sillage de la Nouvelle vague et rend des hommages évidents à certains cinéastes, que ce soit Jacques Rozier (on pense à Adieu Philippine) et surtout Jean-Luc Godard. Le contexte social rapidement brossé et la verve anarchisante du film évoque bien évidemment Week-end, notamment dans cette scène étonnante où flics et jeunes vacanciers s'affrontent en bord de route à coup de revolvers. Mais c'est surtout à Une femme est une femme que j'ai pensé, pour le côté fantaisie colorée, l'insouciante légèreté de ces jolies donzelles en robes courtes qui distribuent un bulletin intitulé La Commune aux militaires défilant sur les Champs-Elysées le 14 juillet et pour les constants jeux de coq-à-l'âne (lorsque Peretjatko évoque « les choses derrière les choses », c'est encore un clin d’œil – que Truquette adressera d'ailleurs réellement aux spectateurs- à JLG). On peut également citer un petit côté Zazie dans le métro de Malle (pour le recours permanent au non-sens) mais également la comédie franchouillarde la plus lourde des années 70, moins Max Pécas (que tout le monde cite à tort, à mon avis) que Les Charlots (qui ne furent malheureusement jamais portés par de vrais cinéastes mais qui ont développé un burlesque loufoque parfois étonnant et qui aurait mérité d'être mieux exploité).

 

Pour toutes ces raisons, La fille du 14 juillet est un film extrêmement sympathique, d'autant plus que le propos est tout à fait louable. En effet, on y fait un éloge de l'oisiveté tout à fait pertinent tandis que sous des allures débraillées et facétieuses, l’œuvre propose une critique assez cinglante d'une société française soumise aux diktats du travail et du fric. Lorsque Truquette se voit refuser du travail sous prétexte qu'elle n'a pas de logement, elle répond qu'il faudrait qu'ils se mettent tous d'accord parce qu'elle ne peut pas avoir de logement sans travail ! Du coup, elle éclaire également quelques rouages absurdes d'un monde qui se nourrit de la crise pour maintenir les individus dans la soumission et la peur.

 

Si ces qualités sont bien réelles, il faut aussi savoir raison garder et ne pas tomber dans l'excès d'éloges qui a accueilli ce film. Répétons-le, certains gags sont parfois très nuls et tombent à côté de la plaque. Du coup, lorsque le cinéaste en rate deux ou trois d'affilés, le film patine un peu et laisse le spectateur au bord de la route. Arrive ensuite une trouvaille géniale ou un trait hilarant mais l'impression globale reste quand même un peu indécise.

 

Ce qui emporte néanmoins l'adhésion, c'est la belle énergie de toute la troupe d'acteurs : que ce soit les pétillantes jeunes héroïnes (qui ont la grâce des héroïnes de la « Nouvelle Vague », cette jeunesse qu'on croyait à jamais évanouie), le désormais incontournable Vincent Macaigne ou l'étonnant Serge Trinquecoste, sorte de savant fou à la limite de l'hystérie, mélange improbable entre Patrick Font et un Darry Cowl sous cocaïne.

 

Mal élevé, rentre-dedans, débraillé : La fille du 14 juillet est porté par une énergie roborative. Ne crions pas encore au chef-d’œuvre mais attendons avec beaucoup de bienveillance (et d'impatience) la suite de la carrière d'Antonin Peretjatko...

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