Un secret
Le prix du désir (2004) de Roberto Andò avec Anna Mouglalis, Daniel Auteuil, Greta Scacchi, Michael Lonsdale (L.C.J. Editions). Sortie le 7 mai 2013
Sous le pseudonyme de Serge Novak, Daniel Boltanski est un écrivain célébré dans le monde entier. Un jour, il rencontre la belle Mila (Anna Mouglalis) avec qui il a une liaison. Coïncidence fâcheuse : la jeune femme épouse son beau-fils…
Je n’avais jamais vu un seul film de Roberto Andò, cinéaste italien peu renommé de ce côté des Alpes mais dont la filmographie compte déjà une dizaine de titres. Peut-on pour autant parler de « film italien » pour Le prix du désir qui met en scène un écrivain juif polonais (Auteuil) dans un film tourné en français et qui se déroule en grande partie à Capri ? Cette question, a priori anecdotique, a néanmoins son importance dans la mesure où le film relève de cette catégorie peu reluisante qu’est « l’euro-pudding », espèce de tentative vouée à l’échec de mêler des fonds européens pour des œuvres impersonnelles et sans âme.
Attention, le film n’est pas nul. Il est plutôt pas mal construit et il est interprété de manière convaincante par quatre grands comédiens. Daniel Auteuil joue sa partition désormais classique (depuis les films de Sautet) de la retenue à tout crin et l’on a plaisir à voir dans des rôles secondaires la belle Greta Scacchi et l’immense Michael Lonsdale (en agent littéraire dévoué). Mais c’est surtout l’envoûtante Anna Mouglalis qui emporte la mise, merveilleuse comédienne aussi à l’aise dans la séduction que dans la manipulation.
Une fois ces qualités soulignées, il convient aussi de dire que Le prix du désir lorgne malheureusement du côté du roman-photo (les scènes d’amour sont particulièrement ratées) et que son esthétique le rattache souvent à un téléfilm de luxe : décors luxueux, habitations somptueuses, mise en scène chichiteuse (photo léchée, abus des longues focales…). Roberto Andò a également la très mauvaise idée de constamment napper ses plans d’une musique que l’on peut trouver troublante au début mais qui devient vite très irritante et surtout parfaitement illustrative.
C’est d’ailleurs ce qui manque le plus au film : une manière de dépasser la simple illustration d’un scénario habile (quoiqu’on en devine assez vite les tenants et aboutissants) pour donner un peu plus de corps aux personnages et un peu plus de trouble à ce récit qui mêle le secret, la manipulation, la passion et la trahison.
Tout ce qui a trait à l’écriture et à la façon dont elle permet à la fois de dévoiler et de masquer est un peu caricatural (Daniel Auteuil avec un clope au bec et une paire de lunettes sur le nez, pensif face à son écran d’ordinateur). Plutôt que de jouer avec le vertige de ces doubles personnalités, le cinéaste préfère avoir recours à une voix-off affectée et beaucoup trop explicative.
Au bout du compte, Le prix du désir est un film sur le mystère qui finit pourtant par en manquer cruellement. C’est dommage dans la mesure où l’œuvre n’est pas désagréable à suivre et qu’elle est portée par de bons acteurs qui font tout pour donner un peu d’épaisseur à des personnages trop artificiels pour que l’on marche vraiment (à ce titre, le bellâtre insipide qui joue le mari de Mila est particulièrement agaçant).
Pour un dimanche soir, pourquoi pas. En attendant, nous essaierons de voir un autre film de Roberto Andò pour mieux juger de la valeur du bonhomme mais sans grand espoir ni enthousiasme, avouons-le…