Marathon Frankenstein (5)
Deux nigauds contre Frankenstein (1948) de Charles Barton avec Bud Abbott, Lou Costello, Bela Lugosi, Lon Chaney Jr, Glenn Strange. (Éditions Éléphant films). Sortie en DVD le 21 octobre 2015
Depuis Karl Marx, plus personne n'ignore que l'Histoire se répète toujours deux fois : la première fois comme une tragédie, la seconde comme une comédie. D'une manière générale, ce fut le destin de toutes les grandes figures mythiques du cinéma fantastique. Nées pour effrayer, terroriser mais également pour fasciner, elles ont toutes été, par la suite, tournées en dérision, pastichées ou parodiées.
Le mythe de Frankenstein ne fit pas exception à la règle, pour le meilleur (le très beau Frankenstein junior de Mel Brooks, parodie soutenue par un véritable amour des films originels) ou pour le pire (le pitoyable Frankenstein 90 d'Alain Jessua avec Eddy Mitchell dans le rôle de la « créature »).
Après l'apogée des films des années 30, on a vu le studio Universal proposer des versions de plus en plus dégradées et carnavalesques du roman de Mary Shelley.
Cette fois, les grands monstres du studio se trouvent confrontés au tandem comique délicieusement ringard d'Abbott et Costello que l'on peut également considérer comme une version « dégradée », dans le domaine du burlesque, des géniaux Laurel et Hardy.
Contrairement à ce qu'annonce le titre, nos deux nigauds n'affrontent pas uniquement la créature de Frankenstein incarnée une fois de plus par Glenn Strange : ils croisent également Dracula (Bela Lugosi) et le loup-garou Lawrence Talbot (Lon Chaney Jr).
Méprisés par la critique officielle, les duettistes ne furent jamais meilleurs que lorsqu'ils furent confrontés aux grandes figures du cinéma fantastique classique (la momie, le docteur Jekyll et mister Hyde, l'homme invisible...).
Modestes bagagistes pour une compagnie de chemin de fer, Chick et Wilbur réceptionnent deux grandes caisses venues d'Europe contenant les restes de Dracula et de la créature de Frankenstein. En dépit des avertissements prononcés par Lawrence Talbot, toujours tiraillé entre son désir de faire le bien et son atroce malédiction qui le transforme en loup sanguinaire les soirs de pleine lune, les monstres parviennent à s'échapper et Dracula cherche à mettre la main sur les travaux de feu Frankenstein pour réanimer sa créature et la contrôler. Aidé par sa complice Sandra, il cherche surtout à transplanter dans le corps inerte un cerveau peu enclin à la rébellion et à la réflexion. C'est pour cette raison qu'ils jettent leur dévolu sur ce pauvre Costello !
Soyons honnête, l'humour d'Abbott et Costello ne volent jamais très haut et se caractérise par une sorte de pot-pourri de toutes les formes existantes de comique : les gags visuels hérités du burlesque (Costello en équilibre précaire en haut d'une caisse branlante) ou les répliques absurdes à la Groucho Marx (toutes proportions gardées!), notamment lorsque Costello prétend qu'il travaille 16 heures par jour parce qu'il est syndiqué :
« -Vous voulez dire, huit heures par jour » rétorque Abbott. « -Je suis affilié à deux syndicats ! ».
On trouve également une certaine filiation avec la screwball comedy avec des scènes jouant sur le comique de répétition (Costello qui comprend que Dracula est vivant, qui appelle Abbott qui ne voit jamais le vampire) ou les portes qui claquent.
Le résultat n'est pas toujours fameux et le film est inégal. Si Abbott, le grand filiforme du couple, est un acteur plutôt fadasse et sans génie, Lou Castello se révèle toujours aussi bon dans un rôle qui lui sied à merveille : le petit grassouillet naïf, froussard et porté sur la gent féminine. Puisque Dracula a besoin de son cerveau atrophié, toutes les femmes lui font la cour et ne semblent pouvoir résister à son charme, au grand dam d'un Abbott constamment jaloux. Ce décalage entre les mamours du benêt et les véritables intentions de ces femmes manipulatrices sont assez drôles.
Mais le clou du spectacle, c'est bien évidemment la rencontre avec les monstres. Si Lon Chaney ne fait pas trop d'étincelles, Bela Lugosi semble prendre un malin plaisir à cabotiner comme jamais et Glenn Strange s'amuse, lui aussi, à composer une créature de Frankenstein plus cruelle qu'à l'accoutumé.
Le mélange entre l'atmosphère fantastique et l'humour débridé fonctionne plutôt bien et donne, au bout du compte, un résultat assez plaisant...