Sesso nero (1980) de Joe d'Amato avec Mark Shanon, Annj Goren, George Eastman, Lucia Ramirez. (Éditions Bach Films). Sortie en DVD : février 2016

L'amour à la plage

Sesso nero est une date dans l'histoire du cinéma italien puisqu'il s'agit, officiellement, du premier film hardcore transalpin. Le découvrir aujourd'hui, c'est réaliser à quel point le cinéma pornographique à ses débuts n'était pas tributaire d'un morne cahiers des charges de figures imposées et que le sexe n'était pas incompatible avec des idées de mise en scène et de narration.

A ce titre, Sesso nero est un film très curieux, plutôt sombre et morbide, à mille lieues de l'hédonisme décomplexé de nombreuses productions pornos.

Mark Lester (Mark Shanon, alias « les moustaches de l'amour ») apprend qu'il souffre d'une hypertrophie de la prostate et qu'il devra subir une opération chirurgicale qui le privera de sa virilité. Il met donc à profit ses deux dernières semaines pour se rendre aux Caraïbes et profiter des plaisirs de la chair pour la dernière fois. Sur place, il est hanté par le souvenir d'une jeune femme qu'il a passionnément aimée et qu'il croit reconnaître dans les rues de la ville...

Tourné à Saint-Domingue, Sesso nero s'inscrit dans la lignée des films érotiques et exotiques qu'a déjà tournés Joe d'Amato, notamment la longue saga des Black Emanuelle. Même s'il franchit cette fois allègrement les limites de la représentation « explicite » de l'acte sexuel, le résultat est assez conforme à ce qui fait, parfois, l'intérêt des films du cinéaste : un côté éthéré et hanté par la mort, un sensationnalisme bien racoleur (notamment la fameuse scène finale « gore » du récit) et une certaine « poésie désolée ».

Hanté par ses amours défuntes, Mark est persuadé que le père de sa fiancée a eu recours au vaudou pour lui lancer une malédiction. C'est donc une véritable morte-vivante qu'il voit réapparaître, sans que les années aient eu la moindre incidence sur sa jeunesse. Plus le film avance et plus les « visions » de Mark deviennent torturantes. Le fantôme de sa petite-amie lui offre une sorte de drogue qui le paralyse tout en le livrant à diverses visions. Régulièrement, il la voit se faire prendre par des beaux étalons noirs dans des scènes orgiaques assez pimentées sans qu'il puisse faire le moindre geste.

Avec sa manière de procéder par collages, Joe d'Amato parvient à désorienter le spectateur et le faire pénétrer (si j'ose dire!) dans une espèce d'univers mental. Peu à peu, Mark sombre dans une sorte de folie où le passé et le présent semblent s'entremêler.

Malheureusement, Joe d'Amato n'est pas Jess Franco à qui l'on songe parfois. Alors que le cinéaste espagnol était un amoureux fou du corps des femmes qu'il caressait sensuellement avec sa caméra, d'Amato utilise le sexe comme un bateleur le ferait pour rameuter le chaland. Du coup, il faut bien reconnaître que les scènes pornographiques de Sesso nero sont d'une tristesse à pleurer et aussi excitantes qu'un repas de retraités dans une sous-préfecture de la Nièvre ! A part quelques accouplements fugaces sans grand intérêt, le cinéaste a recours à la figure de style la plus hideuse et la plus ennuyeuse du genre : la fellation.

Beaucoup de pipes pour rien, donc, mais si l'on passe outre cette dimension, le film n'est pas inintéressant pour les curieux très avertis. Parce que comme l'écrit fort justement Sébastien Gayraud dans le livre qu'il a consacré au cinéaste, Joe d'Amato s'est toujours appuyé sur l'esthétique du « mondo ». Bien qu'il n'ait rien à voir avec ces « documentaires » sensationnalistes, Sesso nero en conserve quelques caractéristiques : l'exotisme et les rituels ancestraux des pays lointains (le vaudou), la volonté de choquer et d'aller au bout des limites de la représentation (la pornographie, le gore...), les procédés de bateleur promettant du « toujours plus » et la scène choc qu'on avait jamais vu auparavant : le héros d'Anthropophagous qui finit par se dévorer lui-même, Mark Lester qui, au bout de son désespoir, finit par se trancher lui-même le sexe...

Bien sûr, le résultat est horriblement racoleur et plutôt mal fichu si l'on se réfère aux normes en vigueur de la « grammaire cinématographique ».

Pourtant, il y a une étrangeté morbide dans ce film, un ton qui n'appartient qu'au cinéaste et qui réjouira les amateurs de curiosa...

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