Desperate hours (1990) de Michael Cimino avec Mickey Rourke, Anthony Hopkins, Mimi Rogers, Kelly Lynch. (Éditions Carlotta films). Sortie le 9 mars 2016

La maison des otages

Avant-dernier film à ce jour de Michael Cimino, Desperate hours est d'abord un film de commande et un moyen pour le cinéaste de se remettre en selle après deux échecs consécutifs. Échec public de L'Année du dragon et échec artistique du Sicilien. Retrouvant alors le producteur Dino de Laurentiis et son comédien Mickey Rourke, Cimino nous propose un remake d'un film de William Wyler sorti en 1955 avec Humphrey Bogart (La Maison des otages en VF)

Un dangereux criminel, Michael Bosworth, s'évade de prison avec la complicité de sa petite amie avocate (Kelly Lynch) et prend en otage une famille avec la complicité de son frère et l'un de ses amis. Sur place, il fait régner la terreur et s'organise pour préparer sa fuite...

Les premières scènes du film sont magnifiques : une voiture traverse à toute allure les paysages somptueux du Colorado et s'arrête à la frontière de l'Utah. Une femme s'extirpe de l'habitacle et abandonne le véhicule devant un lac pour aller prendre un bus. Ces quelques plans suffisent à nous rappeler le grand cinéaste qu'est Cimino : les grands espaces, l'image d'un territoire américain que tant de westerns ont façonnée...

Mais Desesperate hours, avant d'avoir été un film, a d'abord été un roman adapté également pour le théâtre avec Paul Newman. Du coup, Cimino ne parvient pas totalement à s'extraire du côté théâtral de ce huis-clos où l'intrusion du Mal au cœur d'une famille va lui permettre de se ressouder.

A un seul moment, il laisse un de ses personnages s'enfuir et cette traque lui permet, à nouveau, de filmer les grands espaces (rivières, forêts, troupeaux...). Séquence magnifique de chasse à l'homme où Cimino renoue avec l'univers du western et montre la petitesse de l'individu au cœur d'une nature majestueuse. La restauration du film rend justice à la beauté de ces plans larges et au souffle que le cinéaste parvient à donner à ce soudain appel d'air au cœur d'un récit assez oppressant.

Mises à part ces séquences en extérieur, Desesperate hours est un film un peu bancal. Passionnant, certes, mais pas totalement réussi.

Son plus gros point faible est sans doute l'interprétation de Mickey Rourke. Jean-Baptiste Thoret raconte dans sa présentation du film que le cinéaste et l'équipe se sont très mal entendus avec un comédien désintéressé par son rôle et peu fiable. Dans le rôle de ce criminel doté d'une intelligence supérieure, Rourke semble un peu absent, se contentant de quelques mimiques inquiétantes et d'exhiber sa belle gueule de mauvais garçon.

C'est d'autant plus dommage que certaines répliques laissent entendre ce qu'aurait pu être le film et ce personnage. Car si Bosworth est un hors-la-loi et qu'il est passé de l'autre côté de la frontière entre le Bien et le Mal, il reste très attaché à des valeurs comme la loyauté. Ce qu'il ne supporte pas, c'est le mensonge et la trahison. En ce sens, il s'inscrit totalement dans la lignée des personnages ambigus qu'a toujours affectionnés Cimino.

Mais pour que cette ambiguïté fonctionne, il aurait fallu que le cinéaste parvienne à donner à ce personnage un fort potentiel de séduction. En jouant sur un registre unique, Rourke le rend falot : inquiétant souvent mais jamais séduisant. Pour que la tension puisse vraiment exister, il aurait fallu que le spectateur puisse vibrer à la fois pour les victimes mais également pour ce bandit. Or il est constamment antipathique et jamais on a envie qu'il s'en sorte.

Au cœur du drame, Cimino aurait également pu développer une thématique qui lui est chère : la fin d'une Amérique fantasmée. Bosworth arrive dans une famille qui éclate : le mari a menti et a trompé sa femme, son adolescente de fille le méprise et la maison est prête à être vendue...

L'arrivée du Mal au cœur de ce foyer va permettre à la famille de se ressouder et à réapprendre à vivre ensemble. Si cette construction peut paraître un peu schématique, Cimino parvient à lui donner une certaine intensité.

Sans être son meilleur film et souffrant de son cadre un peu étriqué (Thoret rappelle que le film a été coupé par ses producteurs et que des séquences entières ont été enlevées, rendant certaines ellipses un peu rudes), Desperate hours est néanmoins un thriller rondement mené où Cimino s’accommode plutôt bien des contraintes. A titre d'exemple, citons une scène au début du film où Anthony Hopkins (le mari volage) discute avec sa femme. Dans ce simple échange en champ/contrechamp, Cimino joue à merveille avec l'espace d'une cage d'escalier, alterne les plongées et les contre-plongées et parvient, par cette mise en scène dans une topographie précise, à montrer l'éloignement d'un couple au sein d'un même lieu.

Cette virtuosité couplée aux magnifiques séquences en extérieur évoquées précédemment font de Desperate hours un film inégal mais passionnant...

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