She-Wolf of London (1946) de Jean Yarbrough avec June Lockhart, Don Porter. (Editions Elephant Films). Sortie en DVD le 27 avril 2016.

La louve-garou de Londres

Après Werewolf of London, She-Wolf of London pourrait être le pendant féminin du mythe du loup-garou. Phyllis Allenby (la gracieuse June Lockhart) est une riche héritière qui s’apprête à contracter un beau mariage. Cependant, de mystérieux crimes ont lieu dans le parc aux alentours de la grande maison où elle vit avec sa tante et sa cousine depuis qu’elle est orpheline. Certains soupçonnent même un loup dans la mesure où les victimes sont atrocement griffées. Persuadée d’être ce loup en raison de ses antécédents familiaux (la malédiction Allenby), Phyllis sombre dans la dépression et s’éloigne de son fiancé…

Réalisé par Jean Yarbrough, spécialiste du cinéma bis qui œuvra aussi bien dans le fantastique (The Devil bat, King of the zombies) que comme faire-valoir du tandem Abbott et Costello, She-Wolf of London est une pure série B destinée à être projetée en complément de programme : durée réduite (à peine une heure), densité du récit, économie de moyens et relative célérité de l’action.

Si le film semble se coltiner avec le mythe du loup-garou, Yarbrough s’éloigne pourtant assez vite du cinéma fantastique dont il retrouve parfois l’atmosphère (les sous-bois embrumés où enquêtent les bobbies britanniques) pour s’aventurer sur les chemins du thriller hitchcockien (toutes proportions gardées !). D’une certaine manière, She-Wolf of London est au Monstre de Londres ce que La Marque du vampire de Tod Browning est au Dracula du même cinéaste : une variation sur le même thème reposant avant tout sur une vaste machination.

Yarbrough prend bien soin de laisser les crimes hors-champ et de ne jamais montrer les transformations de la jeune femme en louve. Il se concentre dans un premier temps sur les atermoiements de Phyllis : pour ne pas mettre en danger la vie de celui qu’elle aime, elle se met volontairement en retrait et se cloitre dans sa chambre. Alors qu’un petit garçon de 10 ans a été retrouvé assassiné, elle se réveille avec des pantoufles crottées, le bas de sa robe humide et du sang sur ses mains.  

Comme dans tous les films de loup-garou, la menace pèse avant tout sur l’entourage du monstre et provoque chez lui de grands dilemmes moraux. En s’éloignant de son fiancé Barry, Phyllis cherche à le protéger mais met en péril son couple et son bonheur. D’autant plus que sa cousine Carol semble se rapprocher du jeune homme et que la jalousie pourrait faire partie de ces « instincts » que symbolise la transformation en animal…

Mais cette fois, le cinéaste n’explorera pas cette dimension et préfèrera jouer la carte du thriller avec une séquence finale très réussie où la mise en scène se met au service de la folie ambiante (on n’essaiera de pas trop en dire !) : cadrages obliques, plongée vertigineuse dans un escalier en colimaçon, gouvernante inquiétante… On songe alors moins aux classiques du film d’épouvante qu’à une certaine veine gothique illustrée par Hitchcock dans Rebecca.

Dans sa présentation du film, Jean-Pierre Dionnet évoque également l’ombre de Jacques Tourneur auquel on songe parfois. Certes, Yarbrough manie l’ellipse et la suggestion mais il ne parvient quand même pas à atteindre la tension et la poésie des jeux d’ombres de l’auteur de La Féline.

Néanmoins, She-Wolf of London est l’œuvre d’un artisan consciencieux et talentueux qui mérite d’être (re)découverte… 

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