C’est arrivé demain (1944) de René Clair avec Dick Powell, Linda Darnell

Retour vers le futur

C’est arrivé demain est le troisième des quatre films que René Clair tourna à Hollywood. Si je dois confesser ne pas avoir une grande affection pour l’œuvre de ce cinéaste, je dois aussi reconnaître que ce récit mêlant un postulat fantastique et la légèreté de la comédie s’est révélé plutôt plaisant. Tout se passe comme si les moyens des studios hollywoodiens avaient permis au cinéaste de dynamiser sa mise en scène et de le sortir de sa naphtaline (oui, je sais, je risque de faire râler !)

Le film explore un thème inépuisable du cinéma fantastique et de science-fiction : le paradoxe temporel. Mais plutôt que de nous proposer de longs voyages dans le temps et des péripéties spectaculaires, René Clair opte pour le saut de puce : qu’arrivera-t-il à un homme qui, soudain, reçoit le journal du lendemain et peut prévoir les évènements avec 24 heures d’avance ? A partir de ce point de départ, le film va se dérouler en trois parties.

Dans un premier temps, le journaliste Larry Stevens (Dick Powell) prévoit un hold-up qui lui vaut une petite renommée du côté de sa rédaction mais qui le désigne également comme complice aux yeux de la police. Dans un deuxième temps, il parvient à faire capturer les bandits et à devenir une vedette en tentant de sauver une jeune femme de la noyade (Linda Darnell). Enfin, le dernier mouvement est axé autour d’un paradoxe : d’un côté, Larry se dit qu’il peut devenir millionnaire en anticipant les résultats des courses ;  de l’autre, le journal annonce aussi… sa mort !

L’un des mérites de ce scénario, c’est son côté astucieux. Plutôt que de jouer la carte d’un destin changé spectaculairement, René Clair préfère explorer tous les paradoxes induits par ce léger décalage spatio-temporel. D’un côté, il y a tout l’univers des possibles qui s’offre au héros (devenir riche, séduire une belle jeune femme, devenir un journaliste vedette…), de l’autre, les dangers inhérents au jeu avec le Destin. A travers la figure de ce vieil archiviste qui offre les journaux à Larry, Clair réintroduit ce personnage cher au cinéma français de « qualité » : le Destin (cf. Les Portes de la nuit de Marcel Carné). Mais cette fois, il apparaît sous une forme plus légère et humoristique bien que le cinéaste ne se prive pas de glisser  une  petite « morale » en fin de parcours : l’appétit du gain et la volonté de savoir l’avenir à tout prix n’apportent rien de bon !

Mais encore une fois, c’est surtout l’astuce du scénario qui emporte l’adhésion, cette manière d’imbriquer les actions et de maintenir malgré tout une cohérence entre le présent, un avenir tout tracé et ce petit décalage lié à la volonté des individus qui enraye la mécanique inéluctable. Grâce à une caméra toujours mobile, la mise en scène se révèle plutôt élégante (à deux ou trois raccords hasardeux près) et suffisamment vive pour donner un certain scintillement à ce récit et le faire retomber sur ses pieds.  

Du côté des acteurs, je trouve que Dick Powell est un peu le point faible du film dans la mesure où il ne dégage pas un charisme inoubliable et qu’il en fait parfois beaucoup trop. En face de lui, Linda Darnell s’en sort mieux mais son rôle reste accessoire tout en possédant une grande force symbolique. En effet, la jeune femme est l’assistante d’un prestidigitateur et prétend pouvoir lire l’avenir. D’une certaine manière, Clair montre que la beauté de l’illusion réside justement dans le trucage et la conscience de sa fausseté.

D’une certaine manière, Woody Allen n’est pas loin… 

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