20 Cinématons olé olé ! (1982-2005) de Gérard Courant avec Noël Godin, Jean-Pierre Bouyxou, Brigitte Lahaie, Elodie, Rémi Lange (Éditions de L’Harmattan)

De l'art (perdu?) de la provocation dans "Cinématon"

Je ne ferai pas l’affront à mes aimables lecteurs de présenter le Cinématon dont je parle maintenant depuis de nombreuses années. Pour ceux qui débarqueraient ici par hasard, je vous recommande d’aller faire un tour dans les « catégories » et de cliquer sur « Cinémarathon ».  Une seule remarque, cependant : maintenant que Gérard Courant possède un impressionnant vivier de films, il peut à loisir procéder à des regroupements « thématiques ». Ce DVD propose donc un panel des portraits les plus « olé, olé ! » du Cinématon.  A part le Cinématon burlesque de Noël Godin, on retrouve les portraits déjà montrés dans une compilation « érotique » (j’en avais parlé ici) ou la série « gay friendly » de 2005 dont j’ai également parlé (ici).

Qu’ajouter de plus sinon que les films tournés en 2005 (une petite dizaine ici) font partie des derniers tournés en super 8 et qu’ils font vraiment antédiluviens, surtout quand on s’est habitué à voir de nombreux Cinématons en vidéo. Peut-être, justement, que ce passage au numérique a également marqué la fin (provisoire ?) des Cinématons provocateurs et/ou érotiques.

On peut se demander pourquoi les « modèles » du cinéaste sont devenus plus timorés d’autant plus que notre monde tend à une transparence généralisée et qu’il est devenu commun pour tout un chacun de « s’exhiber » à tout moment : télé-réalité, réseaux sociaux, médias sociaux du type Périscope… Avec son dispositif diabolique (laisser aux modèles filmés la possibilité de faire ce qu’ils veulent devant une caméra « neutre »), Gérard Courant a, en quelque sorte, anticipé cette manière de se mettre en scène en toute impudeur devant sa propre webcam ou son téléphone portable.

Pourquoi, paradoxalement, ces pratiques deviennent beaucoup plus « sages » (plus un seul « débordement » – sauf erreur puisque je n’ai pas encore vu les derniers tournés- depuis 2005) devant la caméra de Courant. Peut-être parce que cette évolution vers la transparence généralisée donne aux individus une conscience plus aiguë de leur propre image. Sans doute n’en font-ils pas meilleur usage mais ils ne « l’offrent » désormais plus à autrui. Entre Cinématon et un compte Périscope, il y a un cinéaste et c’est ce regard qui fait la différence.

D’une certaine manière, « confier » son image à un cinéaste devient une chose plus malaisée d’autant plus que les moyens de la diffuser sont désormais infinis. Autrefois, montrer ses fesses devant une caméra Super 8, c’était se dire que seul un public d’ « happy-few » les verrait. C’était un geste « provocateur » voire « artistique » (ce sont d’ailleurs les artistes de profession qui ont souvent fait exploser le cadre de Cinématon). Aujourd’hui, c’est s’exposer à voir son portrait diffusé sur You Tube et, éventuellement, partagé un peu partout. C’est peut-être cette nouvelle « visibilité » qui rend les invités de Gérard Courant plus timides (alors que le miroir aux alouettes de la « célébrité » pousse sans vergogne n’importe qui à toutes les extrémités, à partir du moment où il se croit maître de son image).

J’avance ici une hypothèse sans véritable certitude pour expliquer un double mouvement a priori paradoxal : d’un côté, une société qui tend à la transparence la plus totale, de l’autre, une méfiance accrue lorsqu’il s’agit de se faire filmer par autrui (« l’image » est devenue une denrée monnayable – Cf. La sinistre affaire Être et avoir).

Il y a sans doute d’autres raisons qui poussent les cinématonés à plus de réserves (la caméra a sans doute perdu l’aura qu’elle avait autrefois et il est donc moins nécessaire, aujourd’hui, de la séduire) mais j’espère que quelqu’un me détrompera et nous livrera un beau portrait provocateur, aguicheur, érotique ou… « olé, olé »…

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