Marathon Kurosawa : 1
Le plus dignement (1944) d’Akira Kurosawa avec Takako Irie, Yoko Yaguchi (Editions Carlotta films). Sortie en salles le 25 janvier 2017
Bonne nouvelle : après une première salve de ressortie en salles des œuvres de Kurosawa, Carlotta nous propose aujourd’hui une nouvelle rétrospective de huit films, qu’ils soient très célèbres (Barberousse) ou inédits.
Mauvaise nouvelle : Le plus dignement, deuxième film du cinéaste après La Légende du grand judo, n’est pas très bon. Tourné en 1944, il s’agit avant tout d’un film de propagande pour l’effort de guerre. Kurosawa situe son récit dans une usine de lentilles pour l’artillerie où les femmes décident de redoubler d’efforts pour atteindre une importante productivité en demandant elles-mêmes à ce que les objectifs proposés soient revus à la hausse (soit les deux tiers de la production imposée à leurs homologues masculins au lieu de la moitié).
Au départ, le film suscite l’intérêt dans la mesure où Kurosawa choisit de s’intéresser à l’arrière du front et, en particulier, à la condition féminine. Sauf qu’on réalise très vite qu’il ne s’agit pas d’une œuvre « documentaire » mais bel et bien d’une œuvre guerrière, exaltant les vertus du sacrifice et du travail pour les bienfaits de la Nation.
Tous les portraits peints ont une vocation édifiante et la moindre tension (fatigue, doute, maladie, crêpage de chignon entre filles…) est un prétexte pour exalter les valeurs patriotiques, le dépassement de soi et l’allégeance au drapeau japonais. Si Kurosawa, d’une certaine manière, rend hommage au rôle des femmes dans la guerre (ce qui est, d’un certain point de vue, louable), c’est également pour nous infliger des marches militaires, des chants guerriers et un discours nationaliste plutôt pénible lorsqu’on le découvre 70 ans après ! Des exemples ? La jeune ouvrière malade qui préfère dissimuler sa fièvre plutôt que d’abandonner ses compagnes d’infortunes (le pays vaut plus que sa santé !). Un autre ? Celle qui refuse de retourner voir sa mère malade pour s’occuper d’elle : là encore, la famille passe après la patrie et même les parents dans la panade l’incitent à ne pas abandonner son poste…
On réalise à quel point le film peut être édifiant : l’individu s’efface au profit de la collectivité et doit tout mettre en œuvre pour soutenir l’effort de guerre. Avouons que ce discours patriotard et belliqueux passe très mal aujourd’hui d’autant que la mise en scène reste assez quelconque.
Notons cependant quelques jolies scènes, notamment lorsque Kurosawa réalise que ses ouvrières ne sont pas que des bêtes de somme ou des machines et qu’elles possèdent aussi des émotions et des sentiments. Le film frôle alors parfois le mélodrame et ce sont ses meilleurs moments. Citons aussi quelques jolies scènes, notamment une belle escapade dans un village enneigé ou une scène de volley montée de manière très habile en une succession de gros plans signifiants qui rappelle, toutes proportions gardées, les leçons d’Eisenstein.
Mais l’ensemble reste plutôt raide et poussif, empuanti par cet esprit guerrier auquel le cinéaste ne put échapper à l’époque…