Le ratichon tueur
Mortelles confessions (1976) de Pete Walker avec Anthony Sharp, Susan Penhaligon, Sheila Keith (Artus Films)
Nous en parlions à propos de Flagellations, les films de Pete Walker semblent constamment osciller entre l’ancien et le moderne, entre une certaine tradition gothique et une volonté de dépoussiérer les codes du genre en se coltinant à des sujets plus contemporains. Dans Mortelles confessions, si on excepte une arrivée dans un presbytère inquiétant par une nuit d’orage, on ne retrouvera rien de ce qui fait le décorum habituel de la « British Horror ». Les premiers méfaits du prêtre tueur (on peut le révéler dès maintenant puisque ce fait n’est jamais dissimulé et ne constitue pas un élément de suspense) sont même filmés à la manière d’un giallo (une main gantée de noir qui grimpe le long d’une rampe d’escalier) et s’il fallait à tout prix faire entrer le film dans une case, c’est dans celle du slasher que l’on serait tenté de le classer. En effet, on retrouve ici la figure vengeresse d’un tueur hanté par un secret de jeunesse. La singularité de Mortelles confessions tient sans doute à la présence de ce prêtre chargé de purifier le monde et de supprimer l’entourage d’une jeune femme – Jenny- qui lui a confessé qu’elle s’était fait avorter…
Plusieurs témoignages le soulignent : Pete Walker était un cinéaste plutôt conservateur et peu apte à exalter la libération des mœurs alors en cours. Pourtant, dans ce qu’Alain Petit appelle joliment sa « trilogie du troisième âge » (Entre Flagellations et Mortelles confessions, il faut citer Frightmare que nous espérons bien découvrir un jour), le cinéaste fait preuve d’une défiance extrême envers les individus (souvent vieux et séniles) représentant les institutions et une forme de pouvoir. Dans Flagellations, c’était l’institution judiciaire qui était présentée sous un angle monstrueux tandis qu’ici, Walker s’en prend à l’hypocrisie dangereuse de l’église catholique. Bien sûr, il y a un contrepoint avec le personnage du jeune prêtre libéral, favorable à la fin du célibat obligatoire pour les hommes de sa corporation, mais il se heurte à l’archaïsme d’une institution rigide qu’il finira par quitter…
Pourtant, même si Meldrum -le prêtre psychopathe- est une figure monstrueuse, Pete Walker parvient à lui donner une certaine ambiguïté. L’interprétation toute en finesse d’Anthony Sharp (vu chez Kubrick dans Orange mécanique et Barry Lyndon) n’y est pas pour rien car, au-delà des actes ignobles qu’il perpètre, l’acteur parvient à nous faire partager tous les tiraillements intérieurs de son personnage. Il ne s’agit en aucun cas de lui trouver des excuses mais d’aller vers des zones plus grises et tordues de l’âme humaine. A jamais marqué par un secret de jeunesse (que nous ne révélerons pas), Meldrum cherche à exorciser ses pulsions, ses désirs en appliquant aveuglement les préceptes d’une institution (l’église) cherchant avant tout à exercer son pouvoir sur ses ouailles. La volonté d’éradiquer le péché de ce monde, le prêtre l’applique jusqu’à l’absurde en se débarrassant des pécheurs !
Avec cet aspect torturé de son personnage, Pete Walker rejoint celui qui me semble être l’un de ses maîtres : Alfred Hitchcock. Là encore, en essayant d’en révéler le moins possible, on retrouvera des filiations évidentes à travers le personnage d’une mère sénile et envahissante (Psychose) ou encore cette formidable gouvernante intraitable jouée par l’étonnante Sheila Keith (l’actrice fétiche de Pete Walker qui sut si bien jouer de son physique très masculin pour lui faire endosser des rôles de marâtres inquiétantes) qui fait ressurgir des souvenirs de Rebecca.
Bien sûr, on pourra regretter ici quelques ficelles scénaristiques trop voyantes et cette propension désarmante qu’ont les personnages à systématiquement s’engouffrer dans la gueule du loup. Mais à cette réserve près, Mortelles confessions est un film suffisamment tordu et bien ficelé pour captiver de bout en bout.