Le Crime de l’Orient-Express (1974) de Sidney Lumet avec Albert Finney, Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Sean Connery, Jean-Pierre Cassel, Anthony Perkins, Richard Widmark, Vanessa Redgrave, John Gielgud

Mort sur le Nil (1978) de John Guillermin avec Peter Ustinov, Mia Farrow, Bette Davis, Jane Birkin, David Niven, Lois Chiles, Maggie Smith

(Editions Carlotta Films) Sortie en salles depuis le 4 avril 2018

Présumés coupables

On termine notre petit tour d’horizon consacré aux films adaptés d’Agatha Christie par deux œuvres de prestige tirées des romans les plus célèbres de la romancière britannique. Une fois de plus, les petits plats ont été mis dans les grands dans ces productions dotées de castings impressionnants. Avec son défilé de stars, Le Crime de l’Orient-Express a même parfois un petit côté « musée Grévin » qui le plombe un peu. Je le disais dans ma note précédente mais ces adaptations furent une aubaine pour les stars hollywoodiennes vieillissantes et c’est avec plaisir qu’on retrouve Lauren Bacall, Ingrid Bergman ou encore Richard Widmark dans Le Crime de l’Orient-Express et une Bette Davis absolument géniale (et très drôle) dans Mort sur le Nil.

Au bout de quatre films, on commence un peu à comprendre les mécanismes des intrigues policières d’Agatha Christie : un goût pour les lieux clos (l’Orient-Express, le bateau en croisière sur le Nil), un meurtre prémédité, de nombreux présumés coupables qui avaient toutes les raisons de détester la victime et un brillant détective qui parvient à dénouer tous les fils de machinations extrêmement complexes.

Les deux films mettent en scène Hercule Poirot et il faut bien reconnaître que nous préférons largement Peter Ustinov (qui nous régale de sa bonhommie goguenarde dans Mort sur le Nil) à Albert Finney qui cabotine beaucoup dans Le Crime de l’Orient-Express et qui aborde son rôle comme s’il était le héros d’un drame shakespearien.

D’une manière générale, les films (comme les livres) sont construits en trois temps. Le premier est une longue exposition qui présente à la fois la future victime et les personnages qui gravitent autour d’elle. Ladite victime est souvent peu sympathique : dans Le Crime de l’Orient-Express, il s’agit d’un ancien kidnappeur d’enfant qui a provoqué la mort de cinq personnes tandis que dans Mort sur le Nil, c’est une riche héritière hautaine et dédaigneuse qui a, de surcroît, piqué le fiancé d’une de ses amies (Mia Farrow). Quant à l’entourage, il permet à la romancière et à ses adaptateurs de se livrer à une certaine satire sociale de la haute société britannique. Si Le Crime de l’Orient-Express manque un peu d’humour, Mort sur le Nil vaut le détour pour son personnage de vieille écrivaine hantée par le sexe, pour les joutes verbales entre Bette Davis et sa dame de compagnie Maggie Smith ou encore pour sa vision très caricaturale du jeune homme marxiste prêt à couper les têtes de tous les riches (il ne lui manque que le couteau entre les dents !).

Le deuxième temps débute avec le meurtre à proprement parler et le début de l’enquête. Poirot s’entretient avec tout le monde et découvre chez chacun un motif de tuer. Il y a un petit côté mécanique dans cette partie, mieux traitée chez Guillermin que chez Lumet où le dispositif est un peu plan-plan. Dans Mort sur le Nil, chacune des hypothèses est illustrée et donne au film un côté puzzle. Chaque pièce devra être remise au bon endroit pour voir le motif final se dessiner.

Enfin, le troisième temps est celui de la résolution. Poirot convoque tout le monde au salon et résout l’énigme avec un certain brio.

Cette structure minutieuse garantit le plaisir du spectateur qui se laisse prendre au jeu des énigmes et du déchiffrement d’indices. Si Mort sur le Nil fonctionne davantage (et pourtant, je connaissais le film par cœur et sa machination), c’est d’une part parce qu’il est réalisé avec plus de célérité ; d’autre part parce qu’il propose des rebondissements pendant la phase de l’enquête à proprement parler : une petite femme de chambre est assassinée (Jane Birkin que l’on retrouvera dans Meurtre au soleil), une autre sera tuée à bout portant…

Guillermin est sans doute un moins bon cinéaste que Lumet mais dans ce cas précis, il se montre plus inventif et plus inspiré. Mais les deux films sont à voir au moins une fois, ne serait-ce que pour se laisser prendre par la mécanique diabolique des récits d’Agatha Christie…

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