Maddin au travail
Guy Maddin : un cinéma hanté (2018) de Laura Pardonnet (Marest éditeur, 2018) Sortie en avril 2018
Alors qu’elle était étudiante en cinéma, Laura Pardonnet se passionne pour l’œuvre de Guy Maddin, réalisateur canadien excentrique. Il se trouve que le cinéaste aime s’entourer de jeunes gens pour ses projets. En 2012, il est invité par le Centre Pompidou dans le cadre d’Un nouveau festival et s’attèle à une partie de son projet Séances (un ensemble de cent courts-métrages). A cette occasion, il propose à la jeune femme d’intégrer son équipe.
Cet essai est donc né à la fois d’un goût pour l’œuvre d’un artiste mais apparaît également comme le fruit d’une rencontre et d’une collaboration commune.
Commençons par une confession : même si je situe parfaitement Guy Maddin et si je pense avoir une idée assez précise de son univers, je n’ai vu aucun de ses films ! Pour quelqu’un dans ma situation, le petit ouvrage de Laura Pardonnet est une aubaine car il synthétise parfaitement l’œuvre et constitue une parfaite introduction à son cinéma. En revanche, je me demande si ceux qui le connaissent mieux que moi ne seront pas un peu frustrés par ces 80 courtes pages.
Néanmoins, ce petit livre s’inscrit parfaitement dans la voie lancée par les passionnantes éditions Marest qui, à côté d’ouvrages plus conséquents (les écrits d’Hitchcock, les mémoires de Boorman, le journal de Mekas…) proposent de courts essais qui sont moins des monographies exhaustives que des réflexions mêlant approche « esthétique » et considérations intimes.
Se basant sur son expérience, Laura Pardonnet nous propose un texte qui prend parfois des allures de reportage (sur Guy Maddin au travail) et s’appuie sur de nombreux propos du cinéaste. En parallèle, cette approche journalistique lui permet de développer un court essai où elle met en lumière tous les thèmes chers à Maddin : son goût pour le primitivisme, son obsession pour les territoires de l’enfance et son désir de ressusciter -par ses films- de nombreux spectres, sa volonté de réussir une œuvre qui susciterait des émotions de l’ordre de celles procurées par la musique…
Les pages les plus passionnantes du livre sont celles où l’auteur décortique les partis-pris esthétiques du cinéaste : son goût pour les bruitages et les trucages bricolés, son découpage très particulier (« Guy Maddin dissèque, ampute et triture les images qu’il compose. Ce découpage se situe à plusieurs niveaux, du cadrage au montage, en passant par la narration, la composition, les échelles de plans. ») et ses collages caractéristiques. Pardonnet insiste également avec à-propos sur le travail du cinéaste sur le noir et blanc (hérité de l’expressionnisme), sa manière de colorier les images (au sens où l’on parle de coloriage chez les enfants) et de les « salir », manière de réfléchir sur la notion de support.
Cette méthode a pour but également de donner à son cinéma un caractère spectral, une façon de revenir aux origines du septième art et de convoquer ses fantômes.
Encore une fois, ceux qui fréquentent assidument le cinéma de Maddin pourront peut-être être un brin frustrés par la brièveté de l’ouvrage mais à cette réserve près, l’essai de Laura Pardonnet est une excellent mise-en-bouche qui donne envie de se plonger dans l’œuvre du maître canadien…