Un petit meutre d'Agatha Christie
Le Miroir se brisa (1980) de Guy Hamilton avec Elizabeth Taylor, Rock Hudson, Angela Lansbury, Kim Novak, Géraldine Chaplin, Tony Curtis. (Editions Carlotta films) Sortie en salles le 4 avril 2018
Les éditions Carlotta nous proposent de redécouvrir sur grand écran quatre films adaptés de la reine du roman policier : Agatha Christie. Quatre films « de prestige » faits sur le même modèle : un artisan sans grande personnalité aux commandes (mis à part Sidney Lumet mais Le Crime de l’Orient-Express n’est pas son meilleur film), une ambiance british et une pléiade de vedettes.
Venant après deux aventures d’Hercule Poirot (Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil), Le Miroir se brisa fait la part belle à un deuxième personnage récurrent chez la romancière anglaise : miss Jane Marple, incarnée ici par Angela Lansbury qui deviendra la vedette de la série Arabesque.
Réalisé par Guy Hamilton à qui l’on doit notamment quatre films de la saga James Bond (dont le fameux Goldfinger), le film débute par une projection cinématographique d’une œuvre rappelant furieusement les intrigues tortueuses d’Agatha Christie (celle des Dix Petits Nègres, notamment). La projection est malheureusement interrompue au moment où l’identité du coupable allait être découverte. Déçus, les spectateurs s’en remettent à Miss Marple qui parvient à trouver la solution de l’énigme.
Ce petit film dans le film dit à la fois toutes les qualités et les limites de ces adaptations d’Agatha Christie. D’un côté, le plaisir enfantin de se laisser mener en bateau par des intrigues retorses à souhait et bien agencées, de l’autre, un certain sentiment de vacuité une fois que l’identité du coupable a été découverte (les spectateurs ne semblent plus vouloir voir le film après les révélations de Miss Marple).
L’autre élément qu’annonce ce petit film en guise de prologue, c’est que Le Miroir se brisa va se dérouler dans le milieu du cinéma. En effet, une équipe de tournage débarque dans un paisible village anglais pour y tourner un film marquant le retour sur grand écran de la vedette Marina Gregg (Elizabeth Taylor) devant la caméra de son mari (Rock Hudson). Au cours d’une grande fête organisée pour l’événement, une admiratrice de Marina est tuée, empoisonnée par un verre destiné à la star. Les soupçons se portent d’abord sur sa rivale Lola (Kim Novak), une actrice exubérante imposée par le producteur du film (Tony Curtis).
Comme toujours avec Agatha Christie, l’enquête est truffée de pièges et de chausse-trappes que nous nous garderons bien de dévoiler. Si la réalisation de Guy Hamilton est un peu paresseuse, donnant à son film des allures de bibelot un tantinet académique, on prend un certain plaisir à suivre les méandres d’une intrigue astucieuse. Par ailleurs, Le Miroir se brisa est l’occasion d’une confrontation savoureuse entre deux vedettes vieillissantes mais toujours vaillantes : Elizabeth Taylor et Kim Novak. Les deux s’en donnent à cœur joie et profitent de leurs rôles respectifs (des comédiennes sur le retour) pour cabotiner à outrance mais avec beaucoup de drôlerie.
Les meilleurs moments du film sont assurément leurs face-à face où fusent les répliques vachardes et les réparties sournoises. Lorsque le neveu de Miss Marple (qui est chargé officiellement de l’enquête) demande à la secrétaire du réalisateur (Géraldine Chaplin) comment s’entendent les deux comédiennes, celle-ci lui rétorque en substance : « enfermez-les dans une pièce avec un requin, celui-ci fera très vite une crise d’identité ».
Si Tony Curtis a un tout petit rôle, Rock Hudson (dans l’une de ses dernières apparitions au cinéma) est excellent en réalisateur un brin désabusé, notamment par les quidams qui confondent son rôle avec celui du producteur.
Au bout du compte, le spectateur a obtenu ce qu’il souhaitait : une intrigue policière bien ficelée, un soupçon d’humour britannique et des vedettes qui s’amusent. Le résultat est modeste mais plaisant.