Les Aventures du capitaine Wyatt (1951) de Raoul Wash avec Gary Cooper, Mari Aldon (Sidonis Calysta) Sortie le 15 décembre 2018

© Sidonis Calysta

© Sidonis Calysta

Au risque de faire grincer quelques dents et de m’avancer un peu trop (je ne connais pas suffisamment l’œuvre du cinéaste pour avoir un avis global), je pense que Raoul Walsh est le cinéaste hollywoodien « classique » qui m’intéresse le moins. En découvrant ces Aventures du capitaine Wyatt, pourtant paré de ses plus beaux atours (un somptueux Technicolor parfaitement rendu par l’édition du Blu-Ray), je dois avouer que j’ai été un poil déçu.

Avec ce film situé en Floride, Walsh déplace les enjeux classiques du western (la lutte pour un territoire en premier lieu) sur le terrain du film d’aventures exotiques avec une troupe de soldats, menée par le capitaine Wyatt (Gary Cooper), chargée de reprendre une forteresse tombée entre les mains des indiens Séminoles. Pour ce faire, ils devront traverser une jungle et des marais infestés de bestioles répugnantes et dangereuses et lutter contre leurs très belliqueux ennemis.

La première chose qui frappe un spectateur de 2018, c’est la place offerte aux indiens dans ce film. Alors que dès la fin des années 40, un cinéaste comme John Ford commence à donner une véritable existence à ses personnages d’indiens et propose des films nuancés, Walsh les réduits aux stéréotypes les plus caricaturaux : des peaux-rouges à exterminer, des guerriers sans foi ni loi avec qui aucun accord n’est possible.

Il m’arrive souvent de râler face à ce que j’appelle une critique « idéologique » des films, à savoir celle qui tente à tout prix de plaquer un discours univoque sur des œuvres pourtant plus « dialectiques ». Mais là, j’ai beau me tordre les méninges, je ne vois pas vraiment de contrepoids (même si Wyatt a autrefois épousé une princesse indienne qui a été tuée) au discours très schématique du film. Et si on peut éventuellement passer outre cette vision extrêmement caricaturale en invoquant le contexte de l’époque, il entraine néanmoins un manichéisme qui frise çà et là le ridicule.

Les Aventures du capitaine Wyatt relève pour moi de la catégorie des films pour « petits garçons » (catégorie que l'on retrouve aujourd’hui dans les productions Marvel, par exemple), à savoir des œuvres assez binaires, exaltant un virilisme antédiluvien et des oppositions assez sommaires (le bon sens du brave homme de « terrain » contre la superficialité des citadins). On peut voir du second degré et une petite touche d’humour lorsque Gary Cooper se rase très virilement avec la lame d’un gros couteau d’aventurier (avec des crissements accentués par la bande-son) mais tout le film exalte une puissance martiale un tantinet désuète. Il faut voir Wyatt se débarrasser de son arme à feu avant le combat final avec le chef indien et le défier pour un combat au corps à corps en s’écriant « viens si tu n’es pas une femme ! »

Par ailleurs, certains aspects ont quand même pris un petit coup de vieux, ne serait-ce que l’usage des stock-shots d’animaux ou ce moment où l’un des soldats en queue de peloton se fait dévorer par un alligator. Même Tavernier, qui intervient en bonus du disque et qui se définit comme un fan absolu du film, trouve ce moment un poil ridicule.

Malgré toutes ces réserves, le film mérite d’être vu par la splendeur de sa mise en scène « classique ». Porté aux nues par les « Mac-mahoniens », Wash fait une nouvelle fois de plus la preuve de son sens de la composition, de l’espace et du mouvement. Il y a quelque chose de très beau, lors du déplacement des troupes, dans la façon qu’à Walsh de « faire bouger les lignes » (pour reprendre une expression de Lourcelles) et d’user de toutes les possibilités offertes par le cinéma (profondeur de champ, montage, rimes visuelles…) pour épouser ce mouvement permanent. En tant que « cinéma pur », Les Aventures du capitaine Wyatt est très beau. Après, j’ai plus de mal à suivre Lourcelles lorsqu’il écrit que le cinéma dirige ces « lignes », vers « une méditation morale, simple et évidente (…) » tant le « dilemme » qui agite le personnage ne me paraît pas très fouillé (nous n’en dirons pas trop pour ceux qui n’ont pas encore vu le film) et résolu sans grande nuance.

Ce « classique » n’est donc pas forcément ma tasse de thé mais gageons qu’il saura davantage convaincre les amoureux des aventures à l’ancienne et les aficionados les plus enragés du classicisme hollywoodien.

Retour à l'accueil