Retour à Howards End (1991) de James Ivory avec Emma Thompson, Helena Bonham-Carter, Anthony Hopkins, Vanessa Redgrave (Editions Carlotta Films) Sortie en salles en version restaurée 4K le 28 décembre 2018

© Carlotta Films

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Après Chambre avec vue et Maurice, James Ivory -le plus british des cinéastes américains- adaptait pour la troisième fois un roman d’E.M. Forster. Situé au début du XXème siècle, Retour Howards End est une nouvelle auscultation d’une société anglaise en évolution après le règne de Victoria mais toujours arc-boutée sur ses traditions, ses conventions sociales et ses rapports de classe très marqués.

Margaret (Emma Thompson) et Helen (Helena Bonham-Carter) Schlegel sont deux sœurs pétillantes issues de la grande bourgeoisie intellectuelle londonienne. La plus jeune a une liaison très éphémère avec Paul Wilcox, le fils d’une famille d’industriels huppée.

Dès lors, les deux familles vont être indéfectiblement liées. Margaret se prend d’amitié pour Ruth Wilcox (Vanessa Redgrave), la mère du jeune homme. A tel point que cette dernière finira par léguer sa propriété d’Howards End à Margaret, provoquant un émoi chez les Wilcox. Le document n’ayant rien d’officiel (il est déchiré et jeté au feu), l’honneur est sauf mais Henry Wilcox (Anthony Hopkins), désormais veuf, va se rapprocher de Margaret…

James Ivory s’intéresse donc aux destinées de ces deux familles et à ce qu’elles peuvent révéler d’une société en pleine mutation. Les Wilcox représentent un monde ancien que la première guerre mondiale finira par engloutir. Sans révéler quelques faits marquants du récit, notons que quelques aventures du passé referont surface pour souligner l’extrême hypocrisie des conventions sociales symbolisées par ce patriarche austère et rigide qu’interprète à la perfection Anthony Hopkins. Si les sœurs Schlegel font preuve d’une ouverture d’esprit assez remarquable, Henry Wilcox restera crispé éternellement sur ce qui se fait ou ne se fait pas, quitte à agir en toute inhumanité pour sauver les apparences.

L’un des aspects les plus intéressants du film est sans doute celui relatif aux personnages de Leonard Blast, un modeste employé que les sœurs Schlegel vont prendre sous leurs ailes, et son épouse. A travers ce jeune homme se dessine un nouveau type d’individu qui fait passer une certaine morale individuelle avant l’hypocrite ordre social. Il n’a pas hésité à sacrifier sa famille (qui l’a renié) pour se marier avec une jeune femme orpheline et sans le sou (il est probable qu’elle a dû donner de son corps pour en acquérir avant de le rencontrer). Margaret et surtout Helen vont apprécier chez ce jeune homme gauche une certaine droiture. Et il va permettre au cinéaste de décrire avec minutie les codes des différentes classes sociales et les méthodes – aussi feutrées qu’effrayantes- par lesquelles l’une d’elle écrase l’autre.

Chez Ivory, la violence est toujours tamisée, sous-jacente et se limite souvent à des mots très durs ou des regards impitoyables. Toute l’injustice du monde est policée sous le vernis de l’organisation sociale.

C’est peut-être aussi ici que le bât blesse. Le cinéaste reste souvent, à mon sens, à la surface des choses. La direction artistique est impeccable : la photographie est soignée et l’on admire aussi bien les champs fleuris de bleuets que l’attention maniaque portée au décorum. Pas une pièce d’argenterie ne manque au tableau mais tout cela finit quand même par ressembler parfois à du cinéma d’antiquaire.

Si son meilleur film reste, à ce jour, Les Vestiges du jour, c’est sans doute parce que l’extrême froideur du récit finissait par devenir brûlante et que l’on sentait quelque chose vibrer sous le vernis des apparences. C’est parfois le cas dans Retour à Howards End (ne nous méprenons pas : c’est un beau film !) mais de façon plus intermittente. Reste l’interprétation, notamment celle d’Emma Thompson et d’Helena Bonham-Carter qui parviennent à insuffler un peu de vie dans cet univers mortifère.

Les amateurs de ce cinéma « en costumes » et très littéraire seront charmés. Pour ma part, tout en reconnaissant les qualités du film, je dois avouer que ce n’est pas trop ma tasse de thé.

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