Vieux Schlock
Schlock (1973) de et avec John Landis (Editions Carlotta Films) Sortie en BR et DVD le 3 juillet 2019
John Landis fait partie de ces premières générations de cinéastes cinéphiles qui se sont forgé une culture en découvrant les films, y compris les plus obscurs, à la télévision. Son œuvre la plus personnelle reste, paradoxalement, la série Dream On qu’il produisit au cours des années 90 et qui décrivait les pérégrinations hilarantes d’un homme qui associait chaque situation de son quotidien à un extrait des nombreux films ingurgités depuis l’enfance face au petit écran. Difficile de mieux résumer l’œuvre de Landis, partagée entre l’hommage sincère et le pastiche potache du cinéma d’antan. Notre cinéaste reprendra à son compte les grands mythes du fantastique : le loup-garou dans Le Loup-garou de Londres, le vampirisme dans le beau Innocent Blood mais il signera également une comédie musicale (The Blues Brothers), un thriller ironique et déphasé (Série noire pour nuit blanche) ou encore une fable à la Capra (Un fauteuil pour deux).
Schlock, premier long-métrage de John Landis, pourrait s’inscrire dans cette veine puisqu’il s’agit ici de rendre hommage aux films « de monstres » et particulièrement à King Kong en mettant en scène les méfaits d’un gorille (« le monstre aux bananes ») aussi teigneux que débile. Mais Landis opte pour la solution du pastiche intégral qui caractérisera par la suite certains de ses méfaits (Hamburger Film Sandwich, Three Amigos…)
Le plus intéressant dans Schlock, c’est la manière dont le cinéaste invente un humour complètement absurde se réduisant à une succession de saynètes déjantées. En ce sens, il se révèle à la fois précurseur d’un certain humour télévisuel adoptant la forme de sketches nonsensiques (les Nuls ont dû voir le film) et des délires (Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?) orchestrés par les Zucker et Abrahams (qui écriront d’ailleurs le scénario d’Hamburger Film Sandwich). Le début du film est sans doute ce qu’il recèle de meilleur puisqu’il prend l’allure d’un faux reportage télé (précédé d’une fausse bande-annonce) et que, comme plus tard dans Hamburger Film Sandwich, Landis se moque du sensationnalisme et du racolage télévisuel (le présentateur demande aux spectateurs de deviner combien de cadavres contiennent des sacs poubelles où sont rangés les morceaux des victimes de Schlock). Les gags macabres (les corps transportés dans des brouettes, le flic qui trébuche sur un cadavre) et les situations absurdes (le singe qui débarque au milieu de la retransmission en direct) fusent par un procédé d’accumulation qui fera la gloire des Z.A.Z.
Par la suite, le cinéaste n’hésitera pas à recourir au clin d’œil en montrant le singe passant un long moment au cinéma pour voir la première version du Blob. La séquence nous vaudra quelques gags où Schlock se débarrasse des fâcheux (une femme devant lui ayant gardé son chapeau sur la tête et sa perruque) ou en accompagnant, comme un bon père de famille, un enfant aux toilettes. Il se livrera également aux joies du pastiche en rendant hommage à King Kong ou en parodiant une célèbre scène de 2001 l’odyssée de l’espace de Kubrick (l’os jeté au ciel, accompagné par l’incontournable Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss).
Avouons-le néanmoins : si on rit parfois, le film s’essouffle assez vite et atteint rapidement ses limites, celles d’un sketch potache étiré sur 1h20. Même si l’absurde règne en maître (voir ce moment où le présentateur télé demande à un expert de lui exposer la situation et que celui-ci se met à faire un large panorama des origines de la vie jusqu’aux premiers hommes !), les gags sont parfois poussifs et les situations plutôt répétitives (le gorille s’immisce partout sans que sa présence semble gêner jusqu’au moment où tout le monde panique).
Le film, faute d’une mise en scène à la hauteur, ne tient pas le rythme que recommanderait un postulat aussi nonsensique : ni fil directeur suffisamment costaud pour qu’on s’intéresse au récit (à l’inverse de ce que purent faire les Monty Python à qui l’on songe parfois), ni crépitement de gags ininterrompu à la Z.A.Z qui pourrait pallier le manque de récit structuré.
Reste alors quelques idées amusantes (les adolescents qui restent stoïques en entendant les cris d’horreur d’un de leur camarade taillé en pièces et qui se dirigent en toute innocence vers le lieu du crime au lieu de prendre leurs jambes à leur cou) et des références sympathiques. Mais l’ensemble ne vaut que comme curiosité puisque Schlock marque les premiers pas derrière la caméra de John Landis, cinéaste stimulant et original…