Cinématon 2866-2880 (2014-2015) de Gérard Courant

Jacques Aumont - Cinématon n°2870

Jacques Aumont - Cinématon n°2870

L’année cinématonesque 2014 se sera terminée chez l’incontournable Alain Paucard avec le portrait de l’actrice et metteur en scène Mireille Paparella (n°2866) qui, anachronisme plaisant, utilise à un moment donné un téléphone fixe. On croisera également un restaurateur de livres anciens, Gilles Vilatte (n°2868) qui fume sa cigarette tout en se montrant un poil désappointé de ne pas avoir du son. En effet, notre homme fait également du rock et montre à la caméra une pochette de disque ( ?) de son groupe « Les anciens francs ». Les deux premiers Cinématons de 2015 furent sans doute les plus intéressants de notre étape. Le peintre et dessinateur Juarez Machado (n°2869) commence par faire son autoportrait au crayon sur un paperboard avant de dissimuler son visage sous un masque blanc et crayonner dessus. Une belle mise en abyme qui nous pousse à nous demander qui est le « vrai »  Machado : le masque barbouillé, la caricature crayonnée ou l’image enregistrée par la caméra de Gérard Courant ? Jacques Aumont (n°2870), grand critique et théoricien du cinéma qu’on ne présente plus, joue également sur la dichotomie entre l’être et le paraître. Après quelques secondes devant la caméra, il substitue à son visage un écran de MacBook  où défile une sorte de diaporama expliquant qu’il aurait voulu être un acteur de Murnau, Ford, Welles et d’un certain nombre d’autres cinéastes. Après avoir confié qu’il aurait aussi aimé être Jerry Lewis, Jacques Aumont revient à l’image et se colle des autocollants sur le visage pour former la phrase suivante : « je ne suis qu’un personnage ». Faut-il entendre que les « personnages » de Gérard Courant ne sont pas voués à la même éternité que celle de John Wayne ou Max Schreck ?

Après ces deux très beaux portraits, le cinéaste a fait un cours crochet à Dijon du côté de la jeune équipe de la Cinémathèque de Bourgogne (actuellement menacée d’être délogée : il faut les soutenir !). Le directeur Sylvain Vereycken (n°2872) commence pianissimo en lisant un essai de Jean Douchet (forcément !) puis il s’emballe en buvant un verre de vin et en allumant un cigare qu’il finira par éteindre dans ce même verre. Ensuite, il enfile des gants de chirurgien et montre tout un ensemble d’instruments (perceuse, marteau, pince…) avec lesquels il « menace » la caméra de Courant. Mais ce qui « brisera » l’image, c’est un projecteur dont la violente lumière transforme le portrait en un plan blanc et en hommage involontaire au Hurlements en faveur de Sade de Debord. L’étudiante Juliette Tixier (n°2873) apporte une touche féminine bienvenue à une étape qui en manqua cruellement (seulement deux sur quinze !). Très droite et quasiment immobile, elle se contente de tirer sur sa cigarette en plongeant dans nos yeux son regard pénétrant. Le résultat est très beau.

La suite sera moins passionnante, entre Montreuil et un festival à Verneuil-sur-Avre (ne me demandez pas où cela se trouve !), on se souviendra éventuellement d’un modèle qui tente de chanter (Martin Delille, n°2876), d’un autre qui joue pendant tout son film avec un appareil photo (Bernard Pavelek, n°2878) et du « passeur » Didier Husson (n°2879) qui après un portrait immobile finit par sortir une espèce de masque africain qu’il place devant son visage.

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