Il était une fois à La Nouvelle-Orléans
Le Bagarreur (1975) de Walter Hill avec Charles Bronson, James Coburn (Éditions Sidonis Calysta). Sortie le 22 mai 2020
Si Charles Bronson est désormais associé à jamais à Paul Kersey, honnête citoyen bien décidé à se faire justice lui-même et à nettoyer les rues des grandes métropoles de tous les voyous les fréquentant ; il fut d’abord une véritable figure de western, monolithe taiseux dont l’homme à l’harmonica d’Il était une fois dans l’Ouest reste l’exemple le plus parfait. Œuvrant souvent à la limite de la légalité voir au-delà (Le Flingueur), Bronson est l’exemple le plus parfait du solitaire individualiste qui n’accorde crédit à rien sinon à sa propre morale.
L’un des plus grands intérêts du Bagarreur, premier long-métrage de Walter Hill qui s’était jusqu’alors illustré comme scénariste (pour Peckinpah et Huston, par exemple), c’est de transposer les codes du western dans l’univers du film d’action. Situé à La Nouvelle-Orléans pendant la grande Dépression, le récit narre les aventures d’un homme gagnant sa vie en participant à des combats clandestins à mains nues. Au traditionnel duel du western se substitue ici les matchs de boxe où tous les coups sont permis, sauf lorsque l’un des adversaires est à terre.
Le scénario est ultra-classique. Alors qu’il ne paie pas de mine (son adversaire le traite de « papy »), Chaney (Charles Bronson) gagne son combat dès le premier horion. Dès lors, il est pris en charge par Speed (James Coburn) qui s’occupe des paris et organise les rencontres. Joueur invétéré, ce dernier est obligé d’emprunter de l’argent à des gangsters locaux et se retrouvera dans un mauvais pétrin…
Au-delà de ces situations assez téléphonées, ce qui séduit dans Le Bagarreur est son atmosphère « sudiste ». Les tripots clandestins et bars fréquentés par les rednecks ont remplacé les saloons d’autrefois mais l’ambiance est similaire : regards torves, bouseux belliqueux et rires gras. Après s’être fait arnaquer par un mauvais payeur, Chaney et Speed se rendent dans son bar et récupèrent leur dû à la manière des cow-boys d’antan venant rendre justice face aux bandits faisant la loi dans leur coin. La scène est très drôle et Bronson joue à merveille les redresseurs de tort impassibles. De la même manière, les combats de boxe sont une image réactualisée des duels d’antan : l’adversaire le plus coriace méritant d’être évidemment rencontré en fin de course.
Comme dans les bons westerns, la figure de ce « héros » oscille entre l’individualisme forcené et une certaine ligne « morale ». Chaney le répète constamment : il ne se livre à ces combats que pour l’argent. Sa rencontre avec une prostituée du cru est assez touchante car celle-ci est aussi secrète que lui. Ils incarnent à eux deux les laissés-pour-compte de la crise, bien obligés de se débrouiller avec les moyens du bord pour survivre. Pourtant, à la fin du film, notre bonhomme laissera de côté pour un bref instant sa ligne de conduite et fera preuve d’une certaine « morale ». Il ne s’agit pas dans ce cas de « légalité » mais d’une forme de loyauté et un sens de l’amitié qui, là encore, caractérise souvent les héros de western.
Charles Bronson, en dépit de son caractère monolithique, est parfait dans le rôle, apportant une touche d’humour par un simple plissement de sourcils et capable, par un regard, d’offrir des trésors d’humanité à son personnage. La réalisation est au diapason. Walter Hill n’a rien d’un génie mais c’est un bon artisan et sa mise en scène au cordeau possède l’efficacité d’un certain classicisme.
Les amateurs de westerns et de films d’action ne bouderont donc pas leur plaisir devant cette œuvre qui parvient à amalgamer subtilement les deux…