Dolls (1987) de Stuart Gordon avec Carrie Lorraine, Carolyn Purdy-Gordon, Guy Rolfe, Hilary Mason (Sidonis Calysta)

© Sidonis Calysta

© Sidonis Calysta

J’étais trop jeune pour découvrir en salle Re-animator, le premier film mythique (pour le cinéma) de Stuart Gordon, mais qu’est-ce que les images de ce film purent me faire fantasmer lorsque je commençai à lire Mad Movies ou ce fameux numéro « spécial Avoriaz » de Travelling ! Quelques années plus tard, grâce à mon vidéoclub préféré, je pus enfin découvrir les aventures d’Herbert West réanimant des cadavres qui faisaient ensuite subir les pires avanies à la divine Barbara Crampton (qui ne fut sans doute pas pour rien dans l’explosion des ventes de la firme Kleenex au milieu des années 80).

Avec ce coup d’essai, Stuart Gordon réalisait un coup de maître en redonnant au gore (devenu très sérieux sous l’impulsion de Romero et des bouchers-charcutiers transalpins Fulci, Deodato ou Lenzi) le caractère rigolard et forain qu’il avait à ses origines (celui de H.G.Lewis, héritier du Grand-Guignol). Difficile de rebondir après une réussite pareille et Gordon essaya d’abord de faire fructifier les fruits de son succès avec From Beyond où il adaptait une nouvelle fois Lovecraft et où il retrouvait son couple vedette Barbara Crampton (miam-miam) et Jeffrey Combs.

Tourné dans la foulée pour Charles Band et la firme Empire, Dolls marque néanmoins une certaine volonté pour le cinéaste de se diversifier. Il ne plia d’ailleurs pas devant son producteur qui aurait aimé un film davantage dans la lignée de Re-animator et mit la pédale douce sur les exactions sanglantes. Le film se présente davantage comme un conte horrifique qui débute quasiment comme un récit gothique digne de la Hammer.

Par une nuit d’orage, la petite Judy part en vacances avec son père (pour qui elle est un boulet) et sa belle-mère acariâtre (la propre femme de Stuart Gordon). Sur une route de campagne, la voiture finit par s’embourber et voilà notre trio forcé d’aller frapper à la porte d’une vaste demeure isolée. La famille est bientôt rejointe par un autre trio, Ralph et deux auto-stoppeuses canailles, et tout ce petit monde fait connaissance avec le vieux couple qui vit ici. Le mari est un fabricant de poupées à l’ancienne et malgré ses airs un peu inquiétants, le couple offre volontiers l’hospitalité à tous ces voyageurs égarés…

Dolls s’inscrit dans la tradition des films de poupées maléfiques qui va des Poupées du diable de Tod Browning (même s’il s’agit dans ce cas de miniaturisation d’êtres vivants) jusqu’à la saga Annabelle en passant par l’imputrescible Chucky qui n’allait pas tarder à faire sa première apparition dans Jeu d’enfant de Tom Holland en 1988.

Avec le recul du temps, le film de Stuart Gordon n’est pas sans défauts : les effets-spéciaux ont un peu vieilli (notamment lors de la scène choc où une des auto-stoppeuses se trouve transformée en poupée et perd ses yeux) et, surtout, les personnages sont caricaturés à l’extrême pour donner le maximum de lisibilité à une morale un peu bébête. En effet, ne seront sauvés que ceux qui ont conservé une âme d’enfant et qui peuvent, à ce titre, comprendre les jouets révoltés. Face aux innocents (je n’en dis pas trop mais le spectateur les repère dès les premières minutes), il y a les parents ignobles (la belle-mère est une mégère et le père ne songe qu’à se débarrasser de sa fillette) et deux « punkettes » présentées sous un angle on ne peut plus défavorable : sans éducation (elles écoutent leur radio à fond), bêtes, vulgaires (l’une d’elles, Bunty Bailey -qui tournait à la même époque dans le clip Take on Me d’Aha !- est habillée un peu à la manière de Madonna première période) et surtout profondément malhonnêtes (elles veulent détrousser Ralph qui les a prises en stop et voler les antiquités disponibles dans la maison).

Mais si on fait abstraction de ces facilités, le film se regarde plaisamment, comme une bonne série B efficace (il ne dure qu’1h15 et l’on n’a pas le temps de s’ennuyer). Gordon, avec l’aide de son chef-opérateur Mac Ahlberg (qui débuta comme réalisateur de films érotiques en Suède – Fanny Hill, Poupée d’amour- avant de se reconvertir comme directeur de la photo aux États-Unis) parvient à camper une atmosphère inquiétante et macabre. Le cinéaste joue plutôt bien du caractère réellement effrayant que possèdent les poupées de porcelaine « à l’ancienne ». Et il convoque tout un imaginaire enfantin en essayant de s’en tenir le plus souvent au point de vue de la petite fille (qui imagine d’ailleurs dans un premier temps ses parents se faire dévorer par son ours en peluche devenu géant).

Ce mélange entre le conte de fée et le film d’horreur gothique s’avère au bout du compte plutôt réussi et au-delà d’une certaine nostalgie (je n’avais pas revu le film depuis près de 30 ans), Dolls reste un film qui tient plutôt bien la route.

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