La Sœur d’Ursula (1978) d’Enzo Milioni avec Barbara Magnolfi, Marc Porel (Édition Le Chat qui fume)

© Le Chat qui fume

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S’il fallait résumer de manière très schématique et en deux mots ce que fut le cinéma populaire italien, il faudrait parler de « filon » et d’« excès » (ou, au choix, de « dégénérescence ») . Les artisans transalpins furent effectivement prompts à s’emparer de bons filons, parfois venus d’Amérique (le western) et de ses grands succès (La Nuit des morts-vivants qui lança la mode des zombis italiens, L’Exorciste qui donna naissance à un certain nombre de succédanés de l’autre côté des Alpes…), parfois purs produits du savoir-faire local (le « Mondo »). Généralement, quand le filon commence à s’épuiser, il s’agit de rajeunir la formule par plus de condiments (ce que j’appelle les « excès »), qu’il s’agisse de la dimension comique dans le western ou de la mutation du « mondo movie » vers les hallucinantes aberrations du « film de cannibale »…

Même s’il est possible de lui trouver des origines européennes (Les Diaboliques de Clouzot) ou américaines (Psychose d’Hitchcock) et si le Krimi allemand s’apparente également au genre, le giallo est un genre typiquement italien qui connut, comme les autres filons, son heure de gloire (disons du milieu des années 60 avec le séminal Six femmes pour l’assassin de Mario Bava jusqu’au milieu des années 70 avec Profondo Rosso de Dario Argento) avant un inéluctable déclin.

La Sœur d’Ursula du peu renommé Enzo Milioni (cinq films au compteur selon IMDB, dont un téléfilm) témoigne à sa manière de la dégénérescence du genre. Les ficelles sont encore là puisqu’après avoir débarqué dans un somptueux hôtel en bord de mer, Ursula (Barbara Magnolfi) et sa sœur se retrouvent dans les parages d’un tueur particulièrement vicieux qui n’hésite pas à payer des femmes pour les voir faire l’amour avant de les assassiner sauvagement. Comme dans tout bon giallo, le tueur porte des gants noirs et manie l’arme blanche. Mais en 1978, le cœur n’y est plus vraiment : l’intrigue est assez étique et beaucoup trop lâche pour captiver. De plus, le réalisateur a la mauvaise idée de nous montrer les yeux très clairs du tueur, ce qui constitue un indice un peu trop voyant pour préserver le mystère de son identité.

Alors pour donner un peu plus de piment à son récit, Milioni joue la carte de l’érotisme et n’y va pas de main morte. Là encore, c’est une pente que dévaleront un certain nombre de cinéastes, n’hésitant pas à mêler les registres et se montrant capable d’allier l’horreur et le fantastique avec des scènes pornographiques (Joe d’Amato, Andrea Bianchi…). Chez Milioni, la représentation reste « soft » mais le temps de quelques plans, la limite n’est pas loin d’être franchie et qu’il s’agisse d’une scène de masturbation féminine ou de la traditionnelle scène lesbienne, l’atmosphère devient alors assez brûlante.

Dans la mesure où les actrices sont très belles, ce piment érotique permet d’éveiller de temps en temps l’attention mais ça reste quand même assez limité. Reste alors cette capacité de ce cinéma « bis » à produire quelques plans stupéfiants ou très beaux. Dans La Sœur d’Ursula, on notera une belle utilisation des décors (cette rampe d’escalier totalement improbable) qui semblent parfois primer sur la narration (un dialogue ininterrompu donnera lieu à des changements de décor qui attirent plus l’attention que les paroles échangées) et une manière parfois habile de rendre inquiétant un simple couloir grâce à des jeux de lumière. Ce n’est pas grand-chose mais ça suffit à donner un petit cachet à ce film dont les excès ne parviennent pas vraiment à masquer le déclin du genre.

 

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