Espionnes mais pas trop
Deux Espionnes avec un petit slip à fleurs (1978) de Jess Franco avec Lina Romay, Nadine Pascal, Olivier Mathot, Susan Hemingway, Muriel Montossey (Éditions Artus Films) Sortie en DVD/BR le 1er février 2022
Aussi connu sous le titre moins incitatif d’Espionnes au soleil, Deux Espionnes dans un petit slip à fleurs est une coproduction franco-espagnole et, à ce titre, existe dans deux versions assez différentes l’une de l’autre. Selon l’indispensable bible d’Alain Petit [1]: « Il ne semble pas s’agir d’un film réalisé dans deux versions plus ou moins habillées, mais bel et bien d’un seul et unique film, avoisinant à l’origine une durée de deux heures, et dont on aurait fait sauter une bonne demi-heure dans chaque pays. Une seule heure de métrage est donc commune à chaque version, pour une demi-heure inédite de part et d’autre des Pyrénées. »
Est-ce pour cette raison que le film nous a paru confus et un peu lâche quant à son intrigue ? Essayons néanmoins de la résumer : deux reprises de justice, artistes de cabaret, sont libérées sous caution si elles acceptent d’effectuer un travail d’espionnage pour le sénateur Connoly (Olivier Mathot). Il s’agit, en effet, d’enquêter sur les disparitions de jolies jeunes femmes célèbres (une starlette du cinéma érotique incarnée par la délicieuse Susan Hemingway, par exemple), enlevées par un couple mystérieux et livrées par la suite à de riches millionnaires.
Le film commence par intriguer dans la mesure où, comme dans Shining Sex, Franco joue avec l’hypnose et une bague capable de réduire à néant la volonté des victimes féminines du couple. On imagine alors une sorte de nouveau deus-ex-machina capable d’entrainer ses modèles dans d’étranges cérémonials érotiques. Hélas, on constate vite que les obsessions du cinéaste se trouvent diluées dans un registre qui lui sied assez mal : celui de l’humour.
Si dans les années 60, le metteur en scène pouvait s’adonner avec un certain talent à la fantaisie d’espionnage, c’est sans doute parce qu’il bénéficiait de scénaristes talentueux (Jean-Claude Carrière pour le sympathique Cartes sur table) ou de budgets corrects (le très pop et inventif Opération Re Meda). En dépit d’une poursuite en hélicoptère prouvant que Franco a, malgré tout, pu obtenir quelques deniers, Deux Espionnes avec un petit slip à fleurs parait un peu essoufflé et on peine à s’intéresser à ces péripéties pas tellement bien mises en scène (narration brouillonne et confuse, faux raccords improbables…)
A titre personnel, je dois reconnaître que j’ai un peu de mal avec les films comiques de Franco (songeons à l’assez pénible Célestine, bonne à tout faire). Là encore, l’humour s’avère plutôt lourdingue (l’ami homosexuel qui pousse des cris de grande folle car l’une des espionnes parvient à le violer) et le film manque globalement de fantaisie pour emporter l’adhésion.
Si Deux Espionnes avec un petit slip à fleurs n’est donc pas à la hauteur de son titre merveilleux et s’avère être un film mineur dans l’œuvre pléthorique du cinéaste, il n’est néanmoins pas à écarter totalement d’un revers de main. Il recèle quelques belles séquences où Franco témoigne de son sens de la mise en scène et d’une capacité à changer de registre de manière assez étonnante. Je pense notamment à quelques passages sadiques assez impressionnants, non pas tant pour leur violence (quoique…) que pour ces jeux sur le cadre et la lumière qui parviennent à créer une certaine tension.
Dommage que ces passages soient un peu noyés dans un film au fond assez quelconque.
[1] PETIT, Alain. Jess Franco ou les prospérités du bis. Artus Films, 2015