Le Masque du démon (1960) de Mario Bava avec Barbara Steele (Editions Sidonis Calysta) Sortie en DVD/BR le 24 mars 2022

© Sidonis Calysta

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Bien qu’il ait auparavant participé activement à la réalisation de certains films, notamment Les Vampires et Caltiki, le monstre immortel de Riccardo Freda qu’il a achevés, Mario Bava signe officiellement son premier long-métrage avec Le Masque du démon. Adapté d’un conte de Gogol, ce premier coup d’essai s’inscrit dans la tradition de l’horreur gothique alors en vogue grâce à la Hammer et au petit coup de jeune que la firme britannique offrit aux grands mythes du fantastique.

Il est d’ailleurs assez frappant que le film de Bava mêle différents éléments clés du cinéma d’épouvante dans son récit. D’abord, une malédiction familiale dans la lignée des romans d’Edgar Poe puisqu’au 17ème siècle, la sorcière Asa est condamnée au bûcher en compagnie de son amant par le grand Inquisiteur. Deux siècles plus tard, une goutte de sang malencontreusement versée va réanimer la sorcière qui va pouvoir assouvir sa soif de vengeance sur ses descendants, notamment la princesse Katia qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Bava saupoudre le tout d’une pincée de satanisme et de sorcellerie puisque c’est le démon qui semble dicter les gestes d’Asa. Enfin, il se réapproprie les codes du vampirisme par la manière dont la sorcière contamine ses victimes et leur dérobe leur souffle vital (un baiser macabre particulièrement mémorable). De la même manière, le crucifix éloigne les créatures maléfiques et un pieu dans l’œil peut permettre de s’en débarrasser. Mais au-delà de ces influences, Mario Bava parvient à fixer les codes de l’horreur gothique qui va devenir un filon majeur du cinéma de genre italien durant les années 60. Rien ne manque à l’appel : cimetière baigné dans la brume avec le vent qui hurle entre les tombes, cryptes lugubres couvertes de toiles d’araignées, tombes à l’abandon recelant d’effrayants cadavres plus ou moins décomposés… La superbe copie proposée par l’édition Blu-Ray rend justice à la sublime photo en noir et blanc du film où Bava sculpte les ombres dans la grande tradition du cinéma expressionniste allemand. On admirera une fois de plus l’effet de vieillissement réalisé sans coupe, juste grâce à des jeux de lumières, que le cinéaste avait expérimenté sur Les Vampires. On constatera aussi que Bava n’hésite pas à surenchérir sur ses confrères britanniques. Le noir et blanc lui permet d’oser quelques scènes horrifiques assez éprouvantes et qui, en dépit des années, n’ont pas perdu de leur pouvoir de saisissement : un pieu planté dans un œil, un visage qui fond dans les flammes… Sans parler du fameux masque conçu de la même manière qu’une « vierge de Nuremberg », avec ses pointes qui s’enfoncent dans le visage de la sorcière et que l’on fixe d’un grand coup de maillet…

Mais au-delà de ces scènes assez graphiques, le film séduit surtout par son atmosphère macabre et envoutante où Bava renoue avec une certaine tradition surréaliste puisque les éléments surnaturels qui se déchainent n’empêchent ni une certaine forme d’onirisme, ni un attachement à l’idée d’amour fou qui lie aussi bien la sorcière Asa et son amant que le jeune premier et Katia, la descendante maudite. Ce n’est donc pas un hasard si le film fut très soutenu par la revue Midi-Minuit Fantastique et qu’il fit même la couverture de Positif (du temps où Ado Kyrou et Robert Benayoun, entre autres, donnait à la revue une vraie couleur contestataire).

De son côté, Bava signera par la suite un autre film en noir et blanc, La fille qui en savait trop (également disponible chez Sidonis), précurseur du giallo avant de se mettre à la couleur et d’imprimer sa patte unique, baroque et flamboyante.

Avec Le Masque du démon, il prouve déjà son génie pour instaurer un climat envoutant et distiller une angoisse par de savants jeux de lumières, de cadres et de décors. Un coup de maître et un classique du cinéma d’épouvante gothique.

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