Un justicier au Far-West
L’Homme de la loi (1970) de Michael Winner avec Burt Lancaster, Robert Ryan, Robert Duvall (Éditions Sidonis Calysta) Sortie en combo DVD/BR le 24 mars 2022
Pour son premier film américain, Michael Winner investit les territoires familiers du western. L’Homme de la loi narre les aventures du shérif Maddox (Burt Lancaster) qui débarque dans une petite bourgade pour y arrêter Vincent Bronson et six de ses hommes qui, un soir d’ivresse, ont provoqué bagarres et fusillades dans la ville de Bannock en provoquant la mort d’un vieil homme.
Quand Maddox arrive, les choses sont claires. Sur son cheval, il transporte le corps d’un homme qu’il a tué après que celui-ci a refusé de se livrer à son autorité. Déterminé, le shérif ne cherche pas à faire parler la poudre ni à faire couler le sang mais il ne renoncera pas à capturer les coupables, morts ou vifs, afin qu’ils soient jugés.
On devine alors se dessiner les enjeux classiques du western, à savoir la manière dont la violence légitime endossée par un représentant de le la Loi se substitue au chaos du Far-West et à la loi du colt. Sabbath, la petite ville où débarque Maddox est sous la coupe de Bronson et ses hommes. Ville isolée puisqu’elle est dépourvue de mines et que le chemin de fer n’y passe pas, elle doit se soumettre à l’autorité du potentat local qui la nourrit, même si celui-ci dispose du monopole de la justice et de la loi (Bronson paie le shérif Ryan, incarné par Robert Ryan).
Avec froideur et intransigeance, Maddox entend faire appliquer la loi fédérale. Plutôt que d’opter pour les tendances alors à la mode en 1970 (l’exacerbation d’une certaine noirceur et la violence décomplexée de rigueur chez Peckinpah ou le western italien), Winner joue la carte d’un certain néoclassicisme. Il y a un côté Fordien dans L’Homme de la loi, notamment dans cette opposition entre le représentant de l’état de droit et les partisans de l’état sauvage du Far-West que l’on retrouve dans L’homme qui tua Liberty Valance. Sans avoir l’ampleur de la mise en scène de Ford, Winner filme plutôt bien les paysages naturels du Mexique et parvient à donner une forme solide à son récit en resserrant l’action autour de quelques lieux clés (la rue principale de la bourgade, l’inévitable saloon, la demeure du shérif Ryan…) et en maintenant une certaine unité de temps. Maddox offre un délai à Bronson et ses hommes pour se rendre. Dans le cas contraire, il ira les chercher. Ce compte-à-rebours permet au film de progresser en conservant constamment une sorte de tension. On notera néanmoins que Winner reste un cinéaste de son époque et que cela se traduit par quelques fusillades plus sanglantes que dans les westerns classiques et surtout, par un abus de zooms pas très élégants.
Mais ce qui intéresse le plus dans L’homme de la loi, c’est une certaine ambiguïté qui caractérisera par la suite les films du cinéaste. En effet, si Maddox incarne une image assez classique du héros ouest-américain, à savoir celle du justicier redresseur de torts ; son inflexibilité, sa violence froide et son intransigeance finissent par mettre mal à l’aise. Comme plus tard Paul Kersey dans Un justicier dans la ville, son idée de la justice est telle qu’elle finit par être galvaudée et qu’on peut presque soupçonner une sorte de jouissance à tirer sur ses adversaires (n’en disons pas trop mais songeons au tir dans le dos sur un homme pourtant désarmé). L’idée de justice qu’incarne Maddox finit par être presque aussi terrifiante que la loi de la jungle du Far-West. Lancaster est particulièrement convaincant en bloc de détermination froide qui ne se laisse jamais troubler par des états d’âme et pour qui la fin justifie les moyens. Avec ce personnage éclate déjà le nihilisme qui caractérisera les grands films de Winner (songeons au Flingueur) : une sorte de violence intrinsèque que l’homme solitaire ne parviendra pas à exorciser.
Sans atteindre la beauté des grands westerns classiques, cet Homme de la loi s’avère un premier coup d’essai réussi dans un genre que le cinéaste abordera à nouveau par la suite avec Les Collines de la terreur (sans parler de ses « westerns urbains » que constitue la trilogie des Death Wish).
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PS : Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur Winner, je recommande le premier numéro d’une nouvelle revue, Prime Cut, consacrée aux cinéastes « de l’ombre ». Le sommaire est copieux et passe en revue intelligemment toute l’œuvre du cinéaste britannique, le temps d’une approche thématique et chronologique. Constamment stimulante, cette nouvelle publication s’annonce d’ores et déjà comme un rendez-vous régulier à ne pas manquer.