La Banda J & S : cronaca criminale del Far West (aka Far West Story) (1972) de Sergio Corbucci avec Tomas Milian, Susan George, Telly Savalas, Laura Betti

Visages du cinéma italien : 13- Sergio Corbucci

Faut-il encore présenter Sergio Corbucci, l’un des trois grands Sergio du cinéma italien, entre Leone et Sollima (on pourrait ajouter Sergio Martino mais il n’est pas comme ces trois là associé à jamais au western) ? C’est sans doute inutile et si vous voulez en savoir plus, je vous recommande chaleureusement l’indispensable ouvrage que Vincent Jourdan lui a consacré[1]. Parmi les fleurons du western italien qu’il a signés, on citera évidemment les plus classiques, à commencer par le génial Django et l’impressionnant Le Grand Silence. Mais on n’oubliera pas non plus Il Mercenario (avec le superbe thème de Morricone que reprit Tarantino dans Kill Bill) ou même Compañeros.

La Banda J & S : cronaca criminale del Far West est un western tardif, alors que le genre n’allait pas tarder à dériver vers la parodie et se faire supplanter par des filons plus contemporains, à savoir le poliziottesco. Jed est un hors-la-loi poursuivi depuis son évasion de prison par le sheriff Franciscus (Savalas, assez impressionnant). A deux doigts de se faire capturer, notre homme est sauvé de justesse par la jolie Sonny (Susan George, l’héroïne des Chiens de paille de Peckinpah et de l’excellent Larry le dingue, Mary la garce de John Hough). Cette dernière veut désormais accompagner Jed dans son périple mais celui-ci se montre d’abord réticent (voilà un doux euphémisme !).

Le film est d’un abord assez étrange. Très classique dans sa forme puisque Corbucci n’hésite pas à aérer son propos avec de très beaux plans d’ensemble et un retour aux ingrédients du genre (couchers de soleil, vastes paysages désertiques…), il nous oblige à nous identifier à un personnage extrêmement antipathique. Tomas Milian reprend un peu le personnage qu’il incarna autrefois chez Sollima, sorte de luron lubrique et hirsute mais qui ne possède pas l’humanité de son péon Chuchillo dans Colorado et Saludos Hombre. Ici, il se révèle absolument infect, n’hésitant pas à tabasser Sonny ou à la trahir constamment.

Ce côté très désagréable du personnage provoque une sorte de rejet du spectateur qui peine à s’identifier à lui et qui ne comprend pas pourquoi la belle Sonny se cramponne à ses basques. Les choses évoluent un peu lorsque l’idylle entre les deux finit par naître. Corbucci suit alors les traces d’un grand succès du cinéma américain, le beau Bonnie and Clyde d’Arthur Penn. Dans les deux cas, l’histoire des bandits est traitée avec une certaine ironie. Chez Penn, Clyde est un impuissant qui recherche avant tout à se faire de la publicité. On retrouve cette dimension chez Corbucci, le temps d’une scène très drôle où Jed et Sonny cambriolent un imprimeur et le forcent à les prendre en photo afin qu’il puisse rajouter une image aux avis de recherche qu’il diffuse. Lorsque le couple trouve une certaine complicité pour effectuer ses larcins, le film devient assez réjouissant. Mais assez rapidement, les choses se gâtent et Jed refuse l’idée qu’on le prive de sa liberté et part conquérir une autre femme…

Alors évidemment, le regard du cinéaste conserve une dimension sarcastique et il parvient à ridiculiser le côté très macho de Jed. En ce sens, Milian est bon car il appuie sur l’aspect bouffon de son personnage, obsédé et vulgaire (lorsqu’ils interprètent le dessin que forment les nuages, Jed voit une plantureuse femme aux seins nus alors que Sonny y voit une trompette et une poêle !). Ce ton sarcastique (le film n’est pas une comédie mais il fait parfois rire) s’inscrit dans la lignée de la comédie italienne (songeons au portrait de l’infâme macho du Fanfaron de Risi) mais il peine néanmoins parfois à adoucir le caractère de Jed.

Au bout du compte, Sonny affirmera son humanité et son refus d’être réduit constamment à un objet mais avouons qu’en dépit de ses qualités, on aura du mal à saisir la dimension « romantique » que Corbucci affirme avoir voulu injecter dans son œuvre.

 

[1] JOURDAN, Vincent, Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci, Editions Lettmotif, 2018

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