L’Adorable Corps de Deborah (1968) de Romolo Guerrieri avec Carroll Baker, Jean Sorel

Visages du cinéma italien : 14- Romolo Guerrieri

Dans la famille Girolami, je demande l’oncle. En effet, Romolo Guerrieri (aka Romolo Girolami) est le frère de Marino Girolami (aka Franco Martinelli ou Frank Martin), spécialiste -entre autres-de redoutables séries Z horrifiques (La Terreur des zombies) ou comico-érotiques (Quatre Zizis au garde-à-vous, Chaleurs exotiques…), lui-même père de Enzo Girolami aka Enzo G. Castellari dont nous avons beaucoup parlé récemment (Keoma, Un citoyen se rebelle…).

De Guerrieri, je ne connaissais qu’un western plutôt réussi avec Gianni Garko : Le Temps des vautours. Par la suite, il se spécialisera un temps dans le poliziottesco avec des titres comme La Police au service du citoyen ou Jeunes, désespérés, violents après être passé par la case « giallo » avec La Controfigura (toujours avec Jean Sorel) et cet Adorable Corps de Deborah qui fait désormais figure de prototype.

En effet, tourné en 1968, le film fait office de précurseur dans le genre même si Mario Bava ou Ernesto Gastaldi – le scénariste du film et réalisateur de Libido- sont déjà passés par là. Si les grands codes du genre (assassins gantés, meurtres à l’arme blanche, traumatismes du passé expliquant les actes criminels…) ne sont pas encore totalement fixés, L’Adorable Corps de Deborah inaugure en quelque sorte la longue saga des thrillers italiens construits autour d’une machination. Inspiré par Les Diaboliques, ce scénario retors est peut-être ce qui pêche le plus aujourd’hui. Non pas qu’il soit bancal ou malhabile (on suit l’intrigue avec un certain plaisir) mais ses secrets paraissent aujourd’hui un peu éventés et les rebondissements finaux ne surprendront personne.

Qu’en est-il de ladite intrigue ? Marcel (l’inévitable Jean Sorel) convole en justes noces avec la belle Deborah (Carroll Baker, qui incarnait l’inoubliable l’héroïne éponyme du Baby Doll de Kazan). Un beau jour, ils sont accostés par Philippe, un ami de Marcel qui l’accuse de la mort de Suzanne. Cette dernière, ancienne petite amie du français, se serait suicidée par la faute du séducteur. Cherchant des traces de cette ancienne petite amie, ils se rendent dans une villa où d’étranges phénomènes se produisent : un mégot de cigarette oublié, un tourne-disque qui démarre tout seul, des airs joués au piano alors que personne n’est présent dans la pièce… De plus, Philippe semble constamment suivre le couple…

Le plus intéressant dans le film de Guerrieri, c’est son atmosphère. Avec ces événements mystérieux dans la villa, il renoue un peu avec un genre agonisant à l’époque : le fantastique gothique. On pense être face à un film de fantômes revenant hanter les vivants. Mais cette piste est ensuite abandonnée pour une atmosphère beaucoup plus « pop » dans le cadre d’une sublime villa louée par le couple pour son voyage de noces ou d’une séquence en boite de nuit où le montage très morcelé traduit avec beaucoup de justesse l’ambiance de la fin des années 60, notamment avec ces plans rapides sur des reproductions de cases de bandes dessinées qui font songer à la chanson de Gainsbourg Comic Strip. A cela il faudrait ajouter les tenues très colorées des personnages (le pull jaune poussin de Sorel, le manteau vert -très Vertigo- de Carroll Baker ou encore cette improbable combinaison -toujours verte- dans laquelle l’actrice se déhanche dans le jardin de leur demeure…). Guerrieri prend le pouls de son époque, entre insouciance et une certaine fascination pour le vide puisque tout cela n’est que surface derrière laquelle se déroulent des événements plus troubles.  

Lorsque arrive le dernier tiers du film, l’aspect « giallo » apparaît plus avec, notamment, une tentative de meurtre au couteau. Guerrieri s’en tient à son cahier des charges avec talent mais sans génie.

Au bout du compte, L’Adorable Corps de Deborah apparaît comme un thriller très classique mais bien mené, qu’on regardera avec plaisir. Surtout pour ses comédiens (Carroll Baker enchainera ensuite les gialli, notamment chez Umberto Lenzi) et pour l’atmosphère d’une époque où tout paraissait décidément plus léger qu’aujourd’hui…

 

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