Les Tueurs de l'éclipse (1981) d'Ed Hunt avec Susan Strasberg, Jose Ferrer (Éditions Sidonis Calysta)

© Sidonis Calysta

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Lorsqu'il signe Halloween, John Carpenter ne se doutait sans doute pas que son tueur mutique et masqué allait engendrer une flopée de films dans son sillage et donner naissance à un véritable sous-genre du cinéma d'épouvante : le « slasher ». Lorsqu'il tourne Les Tueurs de l'éclipse (Bloody Birthday en VO) en 1981, Ed Hunt surfe sur une vague qui est alors à son apogée et applique avec ostentation un cahier des charges déjà bien rodé : un épisode traumatique situé dans le passé (ici, trois enfants qui naissent un jour d'éclipse en 1971), un crime visant un couple adolescent s'apprêtant à faire l'amour (ici, dans un cimetière), une caméra subjective qui épouse le point de vue du tueur pour faire naître l'angoisse... Mais à la différence des sagas comme Halloween, Vendredi 13 et tous leurs succédanés, Ed Hunt montre très vite le visage des tueurs. Car, en l'occurrence, ils sont trois. Et l'originalité des Tueurs de l'éclipse tient à l'âge de ces psychopathes en devenir puisqu'ils n'ont que dix ans.

Si les enfants diaboliques ne sont pas forcément rares au cinéma (songeons au Village des damnés de Wolf Rilla, à La Malédiction de Richard Donner ou encore aux Révoltés de l'an 2000 de Narciso Ibanez Serrador), les trois petits monstres (deux garçons et une fille) d'Ed Hunt se révèlent particulièrement gratinés puisque après leur premier crime, ils exécutent à l'aide d'une batte de base-ball le père de Debbie (un flic) avant de s'en prendre à leur institutrice... De la même manière, Curtis et son look de premier de la classe n'hésite pas à enfermer un de ses petits camarades dans un réfrigérateur de la décharge publique.

Si les scènes de meurtre sont relativement soft, exceptée une flèche tirée à bout portant dans l’œil de Beverly, la sœur de Debbie, le film se révèle néanmoins assez angoissant. Moins par ce qu'il montre que par le caractère assez malsain de l'action. Ces trois gamins ont, en effet, des têtes d'ange mais se révèlent particulièrement pervers et constamment menaçants. Que Debbie tente de pousser dans le vide le petit Timmy ou que Curtis fasse mine d'empoisonner un gros gâteau d'anniversaire, ils se montrent toujours retors et dénués de la moindre conscience. Le film s'amuse à donner une explication « astrologique » à cet état mental en affirmant que leurs naissances un jour d'éclipse leur ont ôté une dimension humaine. C'est évidemment assez crétin mais peu importe : le film est bien rythmé et la mise en scène, dans la grande tradition de la série B, s'avère assez efficace (notons à titre d'exemple une belle course-poursuite filmée en longs travellings latéraux ou encore un beau climax situé dans une maison barricadée de l'intérieur, où la « final girl » Joyce doit protéger son petit frère).

Les Tueurs de l'éclipse séduit également par un petit côté « politiquement incorrect » par rapport aux normes d'aujourd'hui. En effet, en ce début des années 80, on n'hésitait pas à dépoitrailler de façon parfaitement gratuite (sinon pour procurer un petit frisson chez le spectateur) les actrices. Et pour couronner cette tendance, c'est parfois sous le regard des gamins que les nudités sont exhibées. Non contente de tuer, la petite Debbie a en effet percé un trou dans la cloison de la chambre de sa grande sœur et invite ses petits camarades à se rincer l’œil contre vingt-cinq cents. Les deux petits garnements auront ainsi tout le loisir de voir la belle Beverly effectuer une sorte de strip-tease en se trémoussant devant le miroir, de la musique plein les oreilles.

Si ces petits jeux pourraient n'être que des enfantillages innocents (songeons aux garnements épiant une femme à sa toilette dans L'Argent de poche de Truffaut), ils apportent une petite touche de plus à un malaise qui ne cessera de grandir jusqu'à un finale à la fois ironique et glaçant.

Sans révolutionner le genre, Ed Hunt lui apporte un parfum singulier, celle d'une enfance diabolique et irrémédiablement pervertie.

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