E tanta paura (1976) de Paolo Cavara avec Corinne Cléry, Michele Placido, Eli Wallach

Visages du cinéma italien : 40- Paolo Cavara

Après avoir farfouillé du côté de quelques cinéastes classiques (Comencini, Bolognini), même lorsqu’ils ont pu faire preuve de quelques déviances (Lattuada), revenons à nos amours premières : le giallo. Mais est-ce que E tanta paura relève véritablement du genre ? Pas sûr…

En tout cas, le film débute sur ces rails avec un notable masochiste qui se fait étrangler par une prostituée dominatrice. La scène suivante, c’est une femme coincée dans un bus qui se fait assassiner par un mystérieux homme (?) portant des gants noirs et une clé à molette dans la main. Les meurtres s’enchaînent et semblent liés à une histoire ancienne et à un réseau se réunissant dans une luxueuse villa pour consommer de la drogue et se livrer à des parties fines que la morale réprouve. C’est dans ladite villa qu’une prostituée perdit un jour la vie…

Paolo Cavara est un cinéaste relativement discret, venu du documentaire et de la photographie sous-marine. Il s’acoquine avec les redoutables Gualterio Jacopetti et Franco Prosperi pour co-réaliser les deux Mondo Cane mais également Les Négriers et un autre « mondo » : La Femme à travers le monde.

Pour les amateurs du genre, Cavara reste surtout l’auteur en 1971 d’un excellent giallo, La Tarentule au ventre noir, très inspiré par le cinéma de Dario Argento et bénéficiant d’un casting aux petits oignons (Stefania Sandrelli, Barbara Bach, Barbara Bouchet…).

En 1976, le filon du giallo est un peu éventé et Cavara va lui donner une couleur plus composite avec E tanta paura. En accordant moins d’importance aux crimes à proprement parler qu’à l’enquête pleine de rebondissements menée par l’inspecteur Lomenzo (M.Placido), il se situe davantage sur le territoire du « poliziottesco » alors en vogue dans ces années-là. Mais contrairement à ses collègues Lenzi ou Di Leo, Cavara ne vise pas à dénoncer la violence urbaine et les failles des institutions. Si certains hauts fonctionnaires s’avèrent véreux et s’il raille une certaine privatisation des moyens policiers, il ne fait jamais de son personnage un redresseur de torts ni un parangon de la justice individuelle.

En revanche, il n’épargne par une certaine classe de riches dépravés. E tante paura révèle surtout une dimension satirique assez corrosive, faisant songer par son mélange des genres à Mort suspecte d’une mineure de Sergio Martino ou à certains films d’Elio Petri. En mettant son nez dans cette affaire criminelle, l’inspecteur découvre une fourmilière peu ragoûtante où se mêlent orgies, trafics de diamants, contrebande, recel et… trafic d’animaux !. Cavara se plaît à décrire les pires décrépitudes de ces richissimes individus derrière la façade lisse des apparences.

Difficile d’en dire plus sur le film sans révéler quelques éléments importants d’une enquête plutôt solidement charpentée et qui recèle quelques surprises. Pour l’épauler, Lomenzo fait appel à une jolie voisine incarnée par la belle Corinne Cléry, héroïne du médiocre Histoire d’O de Just Jaeckin mais qui nous envoûtera dans le beau La Proie de l’auto-stop (Pasquale Festa Campanile) et le mésestimé Miel du diable de Lucio Fulci.

On pourra regretter néanmoins que la mise en scène soit ici un peu plus fonctionnelle et anonyme là où La Tarentule au ventre noir nous régalait de son formalisme maniériste. Et si il s’avère finalement assez difficile de classer E tanta paura dans la catégorie du giallo, il témoigne à sa manière de l’évolution d’un genre devenu plus hétéroclite, pour le meilleur et pour le pire.

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