Visage(s) du cinéma italien : 44- Silvio Amadio
La lycéenne a grandi (1975) de Silvio Amadio avec Gloria Guida, Nino Castelnuovo, Anita Sanders
Attention titre trompeur ! Bénéficiant de la présence de la divine Gloria Guida, héroïne de l’interminable série « la lycéenne », les distributeurs français ont misé sur ce succès pour faire croire à un nouvel avatar de ce genre de comédies « sexy », d’autant plus que le film d’Amadio est sorti tardivement sur nos écrans, en 1981, soit après de nombreux épisodes de ladite saga. En fait, il n’en est rien et le titre italien, Quella età maliziosa – cet âge malicieux- paraît plus conforme à la teneur de l’œuvre.
Le récit débute par une scène de dispute conjugale. Une voix féminine s’en prend violemment à Napoléon (Nino Castelnuovo), égrenant les reproches et les critiques les plus acerbes. Tandis que cette épouse reste hors-champ, l’homme se tait comme dans Le Bel Indifférent de Cocteau puis claque la porte du domicile. Il se rend chez une femme (Anita Sanders) pour se faire engager comme jardinier dans sa somptueuse villa de l’île d’Elbe (il n’y a pas de hasard et il paraît logique pour un homme nommé Napoléon de se retirer en ce lieu après une défaite). Sur place, notre homme fait la connaissance de la fille de son employeuse, Paola (Gloria Guida), qui va vite le troubler…
Sur ce canevas classique de film érotique (un cadre paradisiaque où s’agitent quelques personnages en quête de promiscuités plus ou moins crapuleuses), Amadio vise davantage l’étude de mœurs et le drame psychologique que le film d’exploitation racoleur. Il essaie de traduire à l’écran une sorte de trouble général qui marque les relations entre les personnages : entre Napoléon et Paola évidemment mais entre la mère de celle-ci et son employé (Anita Sanders ne cherche pas à coucher avec lui mais ne refuse pas de se déshabiller lorsqu’il le lui demande), sans compter les personnages curieux qui gravitent autour de ce trio : un mari écrivain effacé, un voisin pécheur qui harcèle Paola et qui se livre à d’étranges danses en sa présence…
Amadio semble s’intéresser aux liens familiaux ambigus. Dans Si douce, si perverse (à ne pas confondre avec le Si douces, si perverses de Lenzi), Gloria Guida mettait déjà tout en œuvre pour que son père ne se remarie pas. Ici, sa relation avec sa mère est complexe puisqu’elles apparaissent à la fois comme rivales (pour ce qui est de la séduction, le déshabillage de la mère se déroulant après que Napoléon a pu apercevoir la fille effectuer une sorte de strip-tease derrière la fenêtre de sa chambre) et comme complices, comme on pourra le constater à la fin du film lorsque la teneur générale du récit devient plus dramatique.
Auteur de quelques gialli (Il sorriso de la hiena en 1971, A la recherche du plaisir en 1972), Sivio Amadio en conserve ici une atmosphère de machination tout en dépouillant le genre de ses éléments criminels. Il parvient à instaurer également une vraie tension érotique qui ne vire jamais au morne cahier des charges avec son cortège de scènes stéréotypées qui reviennent à intervalles réguliers (voir ma note précédente sur Vicieuse et manuelle de Rondi). Le film ne fait pas l’économie de quelques nudités mais l’essentiel ne se joue pas là. Plutôt dans les non-dits et la bizarreries des situations : Anita Sanders qui demande à son jardinier de baisser son pantalon (ce qu’il ne fera pas), le père qui demande à Napoléon de soigner Paola souffrante en lui appliquant de la pommade sur le corps… La scène est intéressante car on aperçoit le vieux libidineux reluquant sans vergogne la nudité de celle qu’on croit être sa fille. Or on apprend quelques temps après qu’il s’agit en fait de sa belle-fille, ce qui ne rend pas ce désir moins ambigu et qui ajoute une couche de trouble dans les relations entre les personnages.
Si le film n’est cependant pas complètement réussi, c’est qu’il reste malheureusement trop superficiel et ne creuse justement pas assez le caractère troublant de ces relations. La mère est évincée trop vite, le beau-père reste anecdotique et le lien qui se tisse entre Paola et Napoléon demeure trop conventionnel.
L’ensemble n’est pas désagréable et s’avère même plutôt bien troussé mais il manque ce petit quelque chose qui aurait permis à La lycéenne a grandi de dépasser son côté « ordinaire » et d’explorer des zones plus sombres et plus troublantes des relations humaines.