Play Motel (1979) de Mario Gariazzo avec Ray Lovelock, Marina Frejese

Visage(s) du cinéma italien : 45- le giallo tardif

L’une des choses les plus fascinantes chez les italiens, c’est leur capacité à épuiser les filons les plus juteux du cinéma d’exploitation tout en les faisant muter et en n’hésitant pas à en proposer des versions dégradées. J’ai souvent cité l’exemple du « mondo » qui mute du côté du film de cannibales ou encore du western qui, après son âge d’or (Leone, Corbucci, Sollima), survit en accentuant sa dimension parodique et comique (Terence Hill et Bud Spencer).

Le « giallo » n’a pas fait exception à la règle. Nous n’ergoterons pas, une fois de plus, sur la naissance d’un genre que l’on fait débuter traditionnellement à la sortie de Six femmes pour l’assassin de Mario Bava (1964), qui retrouve un second souffle avec L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento (1970), avant qu’ Argento finissent par achever lui-même le filon en 1975 avec Profondo Rosso, même s’il signera par la suite de nombreux films pouvant y être rattachés (Ténèbres, Trauma, Le Sang des innocents…). Ces repères sommaires délimitent un « âge d’or » du giallo mais ne signifient en aucun cas l’arrêt total du genre. Ainsi, dans la deuxième partie des années 70, les gialli qui sortent sont souvent des versions dégradées de ce qu’ils furent, optant pour une surenchère sensationnaliste pouvant se traduire soit dans le domaine de la violence (un film comme L’Éventreur de New York de Fulci relève sans doute plus de d’horreur pure mais garde quelques traits du giallo), soit dans celui de l’érotisme.

En ce sens, Play Motel de Mario Gariazzo (cinéaste méconnu en dépit d’une filmographie relativement conséquente, approchant les vingt titres) se rattachent à cette tradition du giallo déviant et crapoteux qu’illustrèrent à la même époque des œuvres comme La Sœur d’Ursula d’Enzo Milioni ou l’hallucinant Giallo a Venizia de Mario Landi (et son policier constamment occupé à manger des œufs durs !). En effet, si certains éléments rattachent le film au genre (un tueur ganté de noir, trois meurtres par strangulation plutôt qu’à l’arme blanche, une atmosphère de machination…), l’intrigue policière se délite assez rapidement et le cinéaste joue davantage sur la dimension érotique de son récit.

S’appuyant sur une histoire de photos volées dans un motel de passe et sur le chantage exercé auprès de riches amateurs de sensations fortes, Play Motel nous propose de nombreuses scènes de séances photo avec des modèles qui se dandinent à poil devant un photographe ténébreux qui fait mine d’y croire. Dans la somme qu’il a consacrée au genre (Une étude en jaune : giallos et thrillers européens, Artus films, 2021), Frédéric Pizzoferrato note que le film comporte certains plans « hardcore ». La version que j’ai pu voir en était dépourvue mais je doute que ce piment apporte quoi que ce soit à une mise en scène très brouillonne où le montage haché et répétitif (ces séances de photo durent des plombes et sont filmées de manière identique) désamorce cette tentation érotique. Et comme les atroces années 80 sont désormais très proches, les actrices arborent déjà un look à rendre chaste le plus impénitent des érotomanes.

Imbuvable côté érotisme (pourtant ce que le film affiche le plus directement), Play Motel n’a aucun intérêt comme thriller dans la mesure où les ficelles du récit sont extrêmement convenues et que le cinéaste n’a pas le talent nécessaire pour donner un peu de vigueur à ces clichés ou, au moins, faire semblant d’y croire. On aura donc compris qu’il n’y a rien à sauver de cette œuvre médiocre et particulièrement dispensable.

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