Visage(s) du cinéma italien : 58- Mariano Laurenti
Fais vite, monseigneur revient ! (1972) de Mariano Laurenti avec Edwige Fenech, Pippo Franco, Karin Schubert
Pour rendre hommage à Laurenti, j’avais projeté de découvrir Satiricosissimo, son pastiche du Satyricon de Fellini avec les redoutables Franco et Ciccio. Malheureusement, la copie que je possède a été traduite avec un logiciel et le film est rigoureusement incompréhensible. J’ai renoncé au bout de dix minutes.
Je me suis alors rabattu en vitesse sur cette comédie médiévale au titre français improbable puisqu’il s’intitule, en italien : Quel gran pezzo dell'Ubalda tutta nuda e tutta calda. Sur cette histoire de maris cocus, de femmes volages en dépit des ceintures de chasteté auxquelles elles sont astreintes et de moine paillard plane l’ombre de Boccace (enfin, avec beaucoup d’imagination) et du Décameron dont l’adaptation par Pasolini relancera le goût pour l’imaginaire médiéval.
Avec ce film, Laurenti pose également les bases de ce qui donnera, sur un versant contemporain, la comédie érotique italienne. Pas étonnant d’y retrouver en vedette celle qui deviendra la grande prêtresse du genre, la pythie de la fesse joyeuse et légère : Edwige Fenech. Elle retrouvera d’ailleurs de manière régulière Mariano Laurenti, condottiere de cette comédie sexy et navrante qui déferla sur les écrans transalpins durant les années 70. Qu’on en juge : le cinéaste érigera des monument au corps (à tous les sens du terme) enseignant féminin (La Prof et les cancres avec, là encore, la belle Edwige ; La Prof d’éducation sexuelle…) mais aussi à la belle lycéenne Gloria Guida (Les lycéennes redoublent, La lycéenne séduit ses professeurs…), aux infirmières (L’Infirmière de nuit, toujours avec Gloria Guida ; L’Infirmière du régiment avec, cette fois, Nadia Cassini). Si le spécialiste tique à ce moment précis de ne pas avoir vu apparaître dans cette énumération le nom de Lili Carati, une autre des principales muses de ce filon coquin, qu’il se rassure : Laurenti lui a offert le rôle-titre de Ma copine de fac.
Que dire ensuite pour éviter l'évidente litanie descriptive des gags navrants, des répliques idiotes comme des tweets d’Aurore Bergé et des grimaces outrancières des comédiens ? On peut tenter de raconter l’histoire, soit. Olimpio revient de la guerre et il n’attend que cette occasion pour honorer sa femme, la belle Fiamma (Karin Schubert). Celle-ci, qui dissimule une dizaine d’amants dans sa demeure, lui annonce qu’elle a fait un vœu et doit l’honorer en restant chaste 15 jours. Dépité, Olimpio tombe sous le charme d’Ubalda (Edwige Fenech), l’épouse de son vieux rival Oderisi, le meunier du village. On imagine facilement la suite : tous les stratagèmes d’Olimpio pour séduire la divine Ubalda (se faire passer pour un peintre, par exemple), donnent lieu à des quiproquos affligeants mais qui permettent à Laurenti de déshabiller (quoique de manière assez chaste) ses deux ménades.
Edwige Fenech, après avoir tourné dans les très beaux gialli de Sergio Martino entamait alors une carrière entièrement vouée ou presque à la comédie sexy. Dans cet océan de navets interchangeables, elle apparaît toujours mutine et gracieuse, posant un regard altier et amusé sur des cohortes de mâles en rut débilissimes. Laurenti joue déjà sur ce type de personnages qui attire tous les regards, à l’image des employés du meunier qui grimpent à une échelle pour mater la belle qui pose devant le présumé peintre. A ses côtés, on retrouve la splendide Karin Schubert dont la carrière n’avait pas encore totalement basculé du côté de l’érotisme puis de la pornographie à partir du milieu des années 80. A cette époque, elle donne encore la réplique à De Funès et Yves Montand (La Folie des grandeurs) et tourne aussi bien dans des films « sérieux » (L’Attentat de Boisset), de grosses productions internationales « camp » (l’excellent Barbe-bleue de Dmytryk) que des films polissons qui émailleront ensuite sa filmographie (elle sera au casting de deux épisodes particulièrement gratinés de Black Emanuelle de Joe d’Amato et retrouvera Laurenti dans L’Infirmière du régiment). Elle dévoile ici ses charmes avec parcimonie mais chacune de ses apparitions reste marquante, surtout pour ceux qui sont restés fascinés par ses beaux yeux bleus depuis qu’ils les ont découverts dans La Folie des grandeurs.
Pour Edwige et Karin, il sera donc beaucoup pardonné à Laurenti et à ce film insignifiant, par ailleurs vite vu et vite oublié…