Visage(s) du cinéma italien : 61- Mario Bianchi
La Bimba di Satana (1982) de Mario Bianchi avec Jacqueline Dupré, Mariangela Giordano, Marina Hedman
Bon sang ne saurait mentir : Mario Bianchi est le fils de Roberto Bianchi Montero, solide (?) artisan du cinéma bis italien qui s’illustra notamment dans le filon du « mondo » et son versant « films de music-hall » : Mondo infame, Mondo balardo, Nuits chaudes d’Orient… Peut-être reviendrons-nous plus en détail sur la carrière de ce stakhanoviste (mon royaume pour découvrir une comédie érotique au titre aussi incitatif que Il était une fois une petite culotte !) mais pour aujourd’hui, c’est de son rejeton dont il sera question. Mario Bianchi débute derrière la caméra au début des années 70, signant d’abord quelques westerns tardifs et/ou parodiques (Poker d’as pour un gringo, Des dollars plein la gueule…) et des poliziottesci musclés (Provincia violenta, Les Cinq de la section spéciale…).
A partir du milieu des années 80, la carrière de Mario Bianchi prend un virage sans retour (ou presque) puisqu’il devient un spécialiste particulièrement prolifique du cinéma pornographique italien, réalisant d’innombrables films (si on en croit IMDB, on doit approcher les 90) jusqu’en 2001. Il ne tournera plus jusqu'à son décès en 2022.
A ce titre, La Bimba di Satana est un peu un film de transition dans la mesure où l’érotisme est relativement prégnant mais qu’il s’inscrit encore dans le registre du film fantastique de possession. Notons tout de même que la version que j’ai pu voir dure une bonne dizaine de minutes de plus que la version « officielle » et qu’elle est « agrémentée » (mouais !) de trois scènes « hard » ou semi-hard.
Autre curiosité, l’œuvre est également une sorte de remake d’un film réalisé par un autre Bianchi (Andrea de son prénom mais, sauf erreur, il n’y a pas de liens de parenté), le très déviant Malabimba (1979) où jouait déjà Mariangela Giordano.
Dans les deux cas, il s’agit d’une histoire de possession diabolique et d’une jeune femme qui tue un à un tous les membres d’une même famille confinés dans un splendide et lugubre manoir.
Mario Bianchi débute son film par de grandes orgues et un certain sens du contraste : la vie et la mort (à la suite d’une très courte scène de fesses lesbienne succède l’enterrement de Maria – Marina Hedman, star du cinéma cochon-), la raison contre la superstition (après que Maria a subitement ouvert les yeux lors de son embaumement, un médecin invoque le dernier spasme nerveux du cadavre tandis qu’un curé y voit l’œuvre de Satan)… Toujours est-il que la fille de Maria, Miria (Jacqueline Dupré), entend la voix de sa mère et entreprend de se débarrasser méthodiquement de tout son entourage…
On retrouve dans La Bimba di Satana une bonne partie des personnages de Malabimba : l’oncle tétraplégique, la nonne qui s’en occupe, le châtelain odieux (il n’a pas de maîtresse ici…). Pourtant, l’œuvre se révèle immédiatement plus fade et moins transgressive. Chez Andrea Bianchi, il y avait un désir constant de dépasser les limites et de créer le malaise : l’érotisme morbide franchissait parfois les limites du suggéré, la jeune héroïne (Katell Laennec était beaucoup plus convaincante et ambiguë que Jacqueline Dupré) se masturbait avec un ours en peluche dans les mains et, surtout, prodiguait une dernière gâterie à son oncle handicapé le temps d’une scène incestueuse assez ahurissante. Mario Bianchi trouve un subterfuge qui édulcore totalement le propos : chaque fois que Miria entreprend de tuer, c’est l’image de sa mère qui apparaît à l’écran, rendant les scènes incestueuses beaucoup moins équivoques. Et comme c’est Marina Hedman qui tient le rôle, cela permet au cinéaste d’intégrer ces fameux inserts porno absolument hideuxi.
Par ailleurs, Mario Bianchi aborde le cinéma fantastique avec une esthétique proche de celle du cinéma pornographique, c’est-à-dire en se contentant d’une succession de scènes sans réelles transitions ni progression dramaturgique. A ce titre, citons ce passage presque dadaïste où le docteur de la famille (qui fut l’amant de Maria) quitte le manoir après avoir examiné Miria et se retrouve l’instant d’après dans la crypte du château, une seringue à la main (pourquoi ?), près du cadavre de son ancienne maîtresse. Rien n’est logique mais tout doit tendre à une confrontation entre Maria et sa future victime. Ne parlons pas non plus du serviteur Isidro qui a compris le principe de la possession et qui cherche à exorciser la jeune femme (à distance !) en égorgeant un poulet avec les dents (à nouveau : pourquoi ?).
Mais c’est finalement cette désinvolture qui rend ce film, par ailleurs assez nul, assez sympathique. Nous sommes face à un pur produit d’exploitation qui ne cherche qu’à provoquer des émotions fortes chez le spectateur : un peu de violence (très timide) et de l’érotisme (si on excepte les ajouts explicites, cela reste assez timoré également). Bref, Mario Bianchi n’est pas Jess Franco dans l’art de mêler Éros et Thanatos mais il reste le témoin, une fois de plus, des riches heures d’un cinéma bis transalpin n’hésitant pas à recycler toutes les formules pour appâter un chaland déjà (plus ou moins) conquis…
i Notons que Bianchi a visiblement nié l’existence d’une version « hard » de La Bimba di Satana. Le caviardage a donc peut-être été effectué par quelqu’un d’autre, avec néanmoins certains comédiens de la distribution pour ces scènes explicites, Marina Hedman en tête.