Exorcisme tragique (1972) de Romano Scavolini avec Ida Galli (Evelyn Stewart), Luigi Pistilli, Ivan Rassimov

Visage(s) du cinéma italien : 63- Romano Scavolini

Ne vous fiez pas au titre stupide que les distributeurs français affublèrent à ce film, certainement pour surfer sur le succès du film de Friedkin (même s’il date de 1972, le film de Scavolini ne sortit sur nos écrans qu’en 1975). Le titre original, Un bianco vestito per Marialé (« une robe blanche pour Marialé »), est davantage conforme à la teneur de cette œuvre étrange, aux allures de faux giallo et annonçant, d’une certaine manière, la vogue du slasher.

C’est d’ailleurs le slasher qui permit à Romano Scavolini, une quinzaine de titres au compteur, de rester un peu dans la mémoire des cinéphages puisqu’il signa en 1981 un classique du genre : Nightmare aka Cauchemars à Daytona Beach. Si j’en crois mes archives, j’avais plutôt aimé le film mais j’avoue que je n’en conserve pas le moindre souvenir !

Exorcisme tragique se révèle beaucoup moins intéressant et même franchement fastidieux. Le prologue est typique des scènes primitives et traumatiques qu’affectionne le giallo : une fillette assiste, impuissante, au meurtre de sa mère et de son amant. Le coupable, son père jaloux, se suicide sous ses yeux dans la foulée.

Quelques décennies plus tard, Marialé vit avec son mari dans un château et semble souffrir de troubles psychologiques. Paolo, son époux, la retient captive et veille à ce qu’elle ne voit personne. Mais elle arrive pourtant, un beau jour, à inviter ses amis pour une fête plus ou moins improvisée. Tandis que les convives s’enivrent et que la soirée vire à l’orgie, des tensions naissent et l’atmosphère devient de plus en plus irrespirable. On s’attend alors à des meurtres qui finissent par arriver, inscrivant l’œuvre dans cette tradition du thriller à la Agatha Christie : un lieu clos, un meurtrier parmi les convives : qui est le coupable ?

Sur le papier, le spectateur indulgent peut se dire : pourquoi pas ? Mais le résultat n’est pas à la hauteur de ses (maigres) espoirs. D’abord parce que le film manque cruellement de colonne vertébrale. Si on se surprend parfois à trouver un cadre original ou une lumière réussie, donnant un cachet à certains plans, tout cela s’enchaîne sans la moindre cohérence ni la moindre logique.

Prenons un exemple : un couple parmi les invités se déchire sans raison apparente. L’homme se montre d’abord d’une violence inouïe, proférant même des remarques purement racistes à sa compagne. Deux minutes plus tard, sans plus de raisons, ils semblent réconciliés et se font de grands sourires ! Tout est à l’avenant : Marialé (Evelyn Stewart) apparaît d’abord comme une femme séquestrée et soumise à son mari. Mais lorsque arrive la soirée, c’est elle qui mène le bal sans manifester la moindre crainte. Jamais les relations entre les personnages ne sont clarifiées (un étrange duo à trois qui se déchire) et même le minimum de cohérence psychologique n’est pas atteint.

Quant à l’intrigue, elle est très mal fichue, passant sans vergogne d’une scène d’angoisse avec des convives frisant la mort (un serpent introduit subrepticement dans la pièce où ils se trouvent) à une séquence orgiaque où tout le monde se déguise et festoie, sans la moindre transition. Quant au dernier mouvement du récit, lorsque tout le monde se fait décimer, on frise souvent le ridicule, à l’image de cette femme jetée dans une piscine et frappée à la tête, qui s’acharne à remonter au même endroit avant de se faire frapper à nouveau.

Même les vieux routards du « giallo » que sont Ida Galli (vue dans L’Adorable corps de Deborah de Guerrieri, La Queue du scorpion de Martino ou Le Couteau de glace de Lenzi), Luigi Pistilli (également présent dans La Queue du scorpion et La Baie sanglante de Bava, auquel on songe plus d’une fois) et Ivan Rassimov (Au pays de l’exorcisme de Fulci, la trilogie du « vice » de Martino…) semblent s’ennuyer dans ce manège routinier et sans grande surprise jusqu’à une fin téléphonée.

Ce n’est d’ailleurs pas tant l’aspect peu crédible qui gêne puisqu’on a vu des « gialli » bien plus obscurs et déjantés (songeons à Spasmo de Lenzi). Mais ici, même Scavolini ne semble pas y croire et agence ses scènes sans désir ni vigueur. Tout cela est mou et, pour tout dire, mortellement ennuyeux.

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