Le Froid Baiser de la mort (1966) de Mino Guerrini avec Franco Nero, Erika Blanc

Visage(s) du cinéma italien : 64- Mino Guerrini

En se penchant sur la filmographie du très oublié Mino Guerrini (aka James Warren), on constate qu’il s’est illustré principalement dans le domaine de la comédie, et ceci dès ses débuts en 1964 (un segment du film à sketches L’Amour en quatre dimensions) jusqu’au mystérieux Le Kolonel pédale dans la choucroute avec Dufilho en 1977 (qui n’a pas envie de voir un film avec un titre pareil ?) tout en abordant les multiples visages du genre, que ce soit son versant « sexy » (La Jeune Fille au pair avec Gloria Guida) ou penchant du côté de érotisme médiéval hérité des films de Pasolini (Les Autres contes de Canterbury, Décaméron 2).

Si on excepte Homicide sur rendez-vous tourné en 1967, Le Froid Baiser de la mort semble être sa seule incursion dans le domaine du thriller horrifique. Mais alors que je vous bassine quasiment toutes les semaines avec la « politique du filon » chère au cinéma de genre italien, le film de Guerrini parvient à échapper aux classifications.

La tentation est grande de l’affilier d’abord au cinéma gothique en notant d’ailleurs que le film a été co-écrit par Piero Regnoli qui offrit au genre le sympathique Des filles pour un vampire en 1961. On retrouve, en effet, des personnages cloîtrés dans une luxueuse villa où règne une mère acariâtre qui voit d’un mauvais œil le futur mariage de son fils Mino (Franco Nero) avec la belle Laura (Erika Blanc). Le beau noir et blanc contrasté, quelques cadrages expressionnistes (le profil marmoréen de la matriarche saisi en gros plan tandis qu’arrive dans la profondeur de champ sa future bru) inscrivent le récit dans cette tradition gothique mais il s’en éloigne par certains aspects. Le principal étant sa dimension contemporaine, qui nous vaut quelques échappées du côté de « night-clubs » (pour des scènes qui évoquent le Jess Franco ou le José Benazeraf de l’époque) avec une scène de strip-tease très chaste mais plutôt joliment tournée. Nous ne sommes donc ni dans un film d’époque reculée, ni dans un décor macabre de crypte sombre et humide mais de plain-pied avec un homme de son temps dont la raison vacille.

On peut alors songer au « giallo » d’autant que Guerrini a participé au scénario de La fille qui en savait trop de Mario Bava. Certains motifs pouvant être rattachés au genre, notamment le trauma du héros qui le pousse par la suite à tuer. Mais là encore, l’associer à ce filon paraît arbitraire.

S’il fallait absolument trouver une filiation au Froid Baiser de la mort, ça serait du côté d’Hitchcock qu’il faudrait chercher. Nul doute que Guerrini a vu Psychose et qu’il s’en inspire fortement : une mère possessive et « monstrueuse » qui cherche à se débarrasser de sa future belle-fille, un fils perturbé par la mort successive de sa fiancée et de sa mère… Mais on songe également à Rebecca avec le personnage de servante au rôle trouble (cependant très différent de celui du film d’Hitchcock) ou encore à Vertigo lorsque débarque la sœur de Laura. Mais ces références n’écrasent pas le film qui les intègre davantage comme des sortes de réminiscences. Guerrini s’attache avant tout à la folie de son personnage qui pratique par ailleurs la taxidermie. Il y a chez lui un désir de conserver à la fois l’image mais également le corps de son amour défunt. La dimension « nécrophile » de l’œuvre évoque, même si c’est de manière moins hardie, le classique de Riccardo Freda L’Effroyable Secret du docteur Hichcock.

En dépit de certaines invraisemblances (les morts qui s’accumulent sans que cela semble déranger quiconque), le film fonctionne plutôt bien, trouvant son équilibre entre la description d’un personnage psychotique et une atmosphère trouble et inquiétante.

Franco Nero, qui tournait la même année dans le Django de Corbucci, est plutôt convaincant dans le rôle de cet homme qui bascule dans la folie. Face à lui et dans un double rôle, on retrouve la belle Erika Blanc qui deviendra une vedette du western italien et que l’on peut retrouver dans le film gothique de Massimo Pupillo La Vengeance de Lady Morgan.

Au bout du compte, Le Froid Baiser de la mort apparaît comme un thriller horrifique de bonne tenue, à la fois tordu mais encore assez sage (nous ne sommes qu’en 1966). Pour la petite histoire, Joe d’Amato en réalisera un remake particulièrement déviant et beaucoup plus sanglant en 1979. Ce sera Blue Holocaust, peut-être son film le plus intéressant et le plus réussi. Mais c’est une autre histoire…

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