Wes Anderson, la totale (2024) de Christophe Narbonne (Editions E/P/A, 2024)

La splendeur d'Anderson

Je viens de terminer deux livres très différents dont la réussite tient d’abord à la manière dont ils échappent aux carcans de la forme qu’ils ont adoptée. D’un côté, l’essai que Nicolas Le Flahec consacre à Jean-Patrick Manchette, de l’autre, ce beau livre que le critique Christophe Narbonne (longtemps pilier du magazine Première) dédie à Wes Anderson. Dans le premier cas, l’auteur parvient à dépasser l’approche très universitaire qu’il adopte pour poser un regard à la fois rigoureux mais sensible et vivant sur l’auteur du Petit Bleu de la côte ouest. Dans le second, il s’agit de transcender la case « beau-livre » dans laquelle s’inscrit d’emblée Christophe Narbonne, avec le risque que le texte passe après l’écrin, le fond après la forme. L’approche s’avère d’ailleurs classiquement chronologique, et l’auteur passe en revue les onze longs-métrages (et les sept courts) de Wes Anderson.

Superbement illustré et bénéficiant d’une belle mise en page aérée, le livre est effectivement un très bel objet et un régal pour les yeux. Cet écrin convient d’ailleurs parfaitement à Wes Anderson, cinéaste obsédé par la symétrie, la composition de ses plans et aux moindres détails.

Mais fort heureusement, le livre parvient aussi à ne pas être seulement le beau cadeau que l’on offre au cousin cinéphile à Noël car le texte est à la hauteur de l’ensemble. Si Christophe Narbonne procède très classiquement (genèse de l’œuvre, écriture, distribution, réalisation et réception), son livre est une mine d’informations et d’anecdotes. De mon côté, même si j’aime beaucoup le cinéma d’Anderson, j’avoue n’avoir jamais creusé en dehors des œuvres et j’ai appris énormément de choses à la lecture de cet ouvrage. Mais par ailleurs, l’auteur ne se limite pas à la seule dimension informative et nous offre des textes plus transversaux pour analyser avec pertinence les obsessions du cinéaste (la famille en premier lieu), ses influences (littéraires, cinématographiques…), sa francophilie…

J’aime aussi beaucoup les « focus » sur des éléments visuels qui permettent, à partir des images des films, d’illustrer avec précision certains éléments de l’analyse.

Christophe Narbonne parvient donc à maintenir un bel équilibre entre une volonté louable de rester accessible et généraliste tout en parvenant à creuser son objet d’étude. Le livre satisfera aussi bien les néophytes curieux de découvrir ce drôle de cinéaste que les cinéphiles goûtant déjà son œuvre. Il permet également de mettre à mal certains clichés relatifs à Wes Anderson (sa prétendue vacuité, son côté faussement répétitif…) et de rendre ainsi hommage à l’un des cinéastes américains les plus originaux et les plus inventifs de notre époque.

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