Il Gatto dagli occhi di giada (1977) d’Antonio Bido avec Corrado Pani, Paola Tedesco, Paolo Malco

Visage(s) du cinéma italien : 66- Antonio Bido

Antonio Bido est un cinéaste pour le moins singulier. En effet, si on jette un bref coup d’œil à sa filmographie, on constate qu’elle est composée en majeure partie par des documentaires à la gloire des forces armées puis par des clips et des pubs à partir des années 90. Ne surnagent alors, au cœur de sa courte filmographie fictionnelle, que deux gialli qu’il tourne en 1977 et 1978, notamment le plutôt réputé Terreur sur la lagune dont atmosphère cafardeuse et grisâtre était plutôt intéressante.

Un an auparavant, il avait signé ce Il Gatto dagli occhi di giada d’une facture très classique, tranchant d’ailleurs avec l’évolution d’un filon, marqué généralement par une exacerbation de l’érotisme et de la violence à la fin des années 70 (Giallo a Venezia de Mario Landi, La Sœur d’Ursula de Millioni).

J’ouvre d’abord une parenthèse pour préciser que je n’ai pas vu le film dans les meilleures conditions. En effet, les sous-titres ont été visiblement générés automatiquement, ce qui nous vaut quelques mots incongrus dans les dialogues et des passages du tutoiement au voussoiement assez perturbants. Pire encore, un léger décalage est apparu dans ces sous-titres, rendant un peu confus les échanges entre personnages.

Mais je ne suis pas certain que ces aléas suffisent à expliquer la légère déception qui nous étreint à la vision de ce film. En effet, Antonio Bido joue la carte du classicisme et marche avec ostentation sur les pas de Dario Argento, avec un titre qui évoque la trilogie animalière du maestro et une intrigue qui rappelle parfois celle de Profondo rosso. Tous les clichés attendus sont là : le tueur ganté ; le témoin involontaire qui perturbe le mode opératoire de l’assassin et qui devient, dès lors, une potentielle victime ; l’apprenti détective qui cherche à protéger cette femme/témoin et qui se prend au jeu de l’enquête, le faux coupable… Même la musique décalque le style des Goblins.

L’intrigue en elle-même est plutôt bien menée mais ronronne un peu. Car ce qui frappe dans Il Gatto dagli occhi di giada, c’est que le film est entièrement dépourvu des excès qui font l’identité du giallo. On ne trouvera ici ni les excès formalistes caractérisant le genre (qu’il s’agisse de la flamboyance chromatique des films de Bava et d’Argento ou des formidables compositions géométriques de Journée noire pour un bélier de Bazzoni), ni excès de violence (même si le visage d’une victime est précipité dans le four où cuit son plat de viande) ou d’érotisme, condiment pourtant indispensable au genre. De ce point de vue, on peut néanmoins souligner l’originalité de l’œuvre dans la mesure où les victimes du tueur sont principalement des hommes, ce qui n’est assurément pas commun.

Je ne dévoilerai pas les mobiles du tueur en série, au cas où le film serait -par un étonnant hasard, édité chez nous- mais ils permettent à Bido de maintenir une petite tension jusqu’à la fin, offrant là encore une certaine originalité car il ne s’agit ni de folie, ni d’un traumatisme primitif mais d’une sorte de vengeance qu’on pourra presque juger « légitime ». En revanche, le spectateur devra faire abstraction de quelques grossières invraisemblances qui sont d’ailleurs souvent de mises dans le giallo.

 

Au bout du compte, on ne peut pas dire qu’Il Gatto dagli occhi di giada soit un mauvais film mais il déçoit néanmoins en raison de cet aspect routinier qui le rend un peu terne. On ne s’ennuie pas vraiment mais l’enthousiasme nous manque face à ce récit qui emprunte un sillon tout tracé et n’en dévie jamais.

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