Visage(s) du cinéma italien : 67- Pupi Avati
La maison aux fenêtres qui rient (1976) de Pupi Avati avec Lino Capolicchio, Francesca Marciano
Pupi Avati est une personnalité curieuse au sein du cinéma italien. Auteur d’une œuvre considérable, il continue de tourner à plus de 85 ans (en 2023 sortait La quattordicesima domenica del tempo ordinario, marquant le retour de notre chère Edwige Fenech en vedette) mais très peu de ses films ont traversé les frontières et rares sont ceux à avoir été distribués en France (je me souviens néanmoins – même si je ne l’ai pas vu - de son Histoire de garçons et de filles sorti en 1990i).
Parallèlement, le metteur en scène a vu sa réputation grandir du côté des amateurs de cinéma fantastique grâce à deux titres : Zeder (réalisé en 1983) et cette Maison aux fenêtres qui rient, qui a bénéficié du regain d’intérêt pour le « giallo » en France (même si le film ne me paraît pas entièrement entrer dans le cadre du filon). On notera d’ailleurs que si Pupi Avati ne s’est jamais spécialisé dans le genre fantastico-horrifique, il y revient cependant de manière régulière (encore très récemment, il réalisait Il Signor Diavolo).
L’aura de La maison aux fenêtres qui rient peut surprendre tant le film évite la surenchère spectaculaire. Si on excepte la fin, assez violente, l’amateur de sensations fortes devra se contenter d’un seul meurtre (un homme jeté d’une fenêtre), ce qui est assez peu pour un récit mêlant intrigue policière et éléments fantastiques. Cela dit, ce n’est évidemment pas un reproche.
Stefano (Lino Capolicchio) débarque dans un petit village italien afin d’y restaurer la fresque endommagée d’une église. Réalisée par un peintre qui s’est suicidé vingt ans plus tôt, elle s’avère à la fois réaliste et particulièrement macabre. Petit à petit, Stefano commence à ressentir l’hostilité des gens du cru : l’aubergiste lui intime l’ordre de quitter sa chambre, il reçoit des appels anonymes l’invitant à quitter le village et son ami Antonio est tué alors qu’il s’apprêtait à lui faire des révélations sur les découvertes qu’il avait faites, notamment autour d’une mystérieuse « maison aux fenêtres qui rient ».
Par petites touches, Pupi Avati instaure une atmosphère assez réussie et parvient à créer de la tension avec presque rien : un plan subjectif derrière un volet entrouvert (toujours efficace puisque Soderbergh reprend ce procédé dans Presence), une porte qui se ferme sans raison, un mystérieux enregistrement sur bande magnétique où le peintre évoque une peinture faite avec son propre sang… Même si on peut trouver que cette approche pointilliste se révèle parfois un peu filandreuse, à l’instar des relations que Stefano entretient avec l’institutrice du village (immédiatement évincée) puis sa remplaçante (la jolie Francesca), le cinéaste parvient à créer un équilibre bienvenu entre une intrigue policière (qui a tué Antonio et quel est le lien avec cette histoire de peintre suicidé ?) et une véritable coloration fantastique.
Une des forces de La maison aux fenêtres qui rient, c’est de délocaliser un genre plutôt urbain (le giallo) à la campagne et de porter sur cet environnement un regard assez caustique. Sans être une véritable satire à la Chabrol, l’œuvre est parsemée de petites notations qui disent le conformisme de ce microcosme (le regard porté sur l’institutrice, considérée comme une nymphomane) et suggèrent de honteux secrets enfouis. De l’onctueux curé au nain mécène qui, par son argent, a tenté de redonner une certaine vitalité à ce village qui se meurt, tous les personnages semblent avoir des zones d’ombre, y compris le sacristain simple d’esprit (au prénom prédestiné puisqu’il s’appelle Lidio) et Coppola, le chauffeur de taxi alcoolique. En mêlant suspense horrifique et ruralité, Pupi Avati marche sur les traces du Fulci de La Longue Nuit de l’exorcisme et parvient à offrir à son film une singularité et une étrangeté qui fonctionnent plutôt bien.
Nous ne révélerons pas la fin, mais elle fait basculer l’œuvre dans quelque chose de plus spectaculaire et un gouffre s’ouvre alors sous la fine surface du quotidien. Et en dépit de quelques maladresses (plutôt dans la caractérisation des personnages que dans la mise en scène qui parvient à bien ancrer le récit dans cet environnement campagnard et à donner de la puissance aux lieux, notamment à cette fameuse « maison aux fenêtres qui rient ») qui l’empêchent d’être un chef-d’œuvre, La maison aux fenêtres qui rient s’avère être une œuvre originale et troublante.
i Le seul film que j’avais vu – sur une chaîne câblée- jusqu’à présent du cinéaste était Bordella. Je n’avais pas aimé mais je n’en conserve pas le moindre souvenir !