Le Retour de Patrick (1980) de Mario Landi avec Sacha Pitoëff, Carmen Russo, Gianni Dei, Mariangela Giordano, Andrea Belfiore

Visage(s) du cinéma italien : 73- Mario Landi

Les Italiens sont incorrigibles. Tandis que le film australien Patrick de Richard Franklin faisait sensation à Avoriaz en 1978, nos roublards voisins transalpins imaginèrent immédiatement une improbable suite à cette œuvre singulière. Mais seul le principe du jeune homme (Gianni Dei) plongé dans le coma et capable, par la pensée, d’influencer le cours des choses a été conservé. Pour le reste, nous assisterons à une banale histoire de vengeance dans la clinique où git Patrick. Les responsables présumés de son accident (il reçoit une bouteille en pleine figure, jetée depuis une voiture) seront tous châtiés un par un. Pour quelles raisons ont-ils accepté la mystérieuse invitation du père de Patrick (Sacha Pitoëff) alors qu’ils ont tous quelque chose à se reprocher, le film ne nous le dira pas.

Aux manettes de cet objet insolite : le redoutable Mario Landi qui signait alors son dernier film. Si le cinéaste travailla avant tout pour la télévision dont il fut un des pionniers, réalisant de nombreuses séries, notamment la version italienne des Enquêtes du commissaire Maigret (entre 1964 et 1972)i , il est néanmoins prisé par certains amateurs de cinéma bis pour les œuvres particulièrement crapoteuses qu’il a mises en scène. Difficile d’oublier son Giallo a Venizia (1979) et ses scènes mêlant sexe et gore. Le Retour de Patrick s’inscrit d’ailleurs dans cette lignée, proposant un film d’horreur somme toute assez classique mais soudainement éclaboussé par des passages totalement déviants.

Petite anecdote amusante : le récit se déroule dans les mêmes décors que ceux du Manoir de la terreur d’Andrea Bianchi, tourné à la même époque avec également la belle Mariangela Giordano (que Landi avait par ailleurs déjà fait tourner dans Giallo a Venizia). On constatera d’abord que, contrairement à certaines séries Z débraillées, Le Retour de Patrick est filmé avec un certain soin, notamment dans les éclairages. En revanche, la manière de dessiner les personnages est beaucoup plus aléatoire et la construction narrative laisse plutôt à désirer. Pour prendre un exemple plus explicite, il n’est pas rare que Mario Landi s’attarde sur des moments où les personnages sont seuls et où il ne se passe rien. Après une dispute avec son épouse, un homme se retrouve seul dans sa chambre, tourne en rond, s’assoit dans un fauteuil et s’envoie quelques gorgées de ouiskiii. Ces moments akermaniens se révèlent assez insolites dans le cadre d’un film d’horreur et empêchent finalement de créer une certaine tension.

L’histoire étant assez abracadabrante, on comprend assez vite que Landi ne la fait reposer que sur une succession de scènes choc. Et à ce titre, le film va vite se révéler gratiné. Il est déjà d’une grande brutalité et on ne compte plus le nombre de gifles qu’essuient les actrices du film (précisons pour d’éventuels lecteurs fragiles qu’il est très peu #MeToo compatible !). Par la suite, les crimes seront aussi rocambolesques qu’éprouvants. Si on sourira d’abord face à la manière dont la première victime succombe (ébouillantée dans la piscine de la clinique), les suivantes seront encore plus racoleuses. Un homme aura le cou déchiré par un crochet et finira suspendu au-dessus d’un puits, une femme verra sa tête tranchée par la vitre automatique d’une voiture (!) tandis qu’une autre finira dévorée par des bergers allemands. Mais la plus célèbre de ces exactions (la scène est généralement censurée dans les versions qui circulent du film) est celle où Mariangela Giordano se voit contrainte d’écarter les jambes (à distance) par Patrick et qu’un tisonnier volant, après avoir pénétré dans son vagin, la traverse de part en part. Le gros plan du sexe sanguinolent de l’actrice fait partie de ce genre de représentation qu’il serait difficile d’imaginer dans le cinéma d’aujourd’hui et qui fait le charme du cinéma bis italien d’antan. On sent chez Landi un désir de jouer avec les limites du représentable. Si l’érotisme est assez prégnant sans être omniprésent dans un premier temps, il va également dans ce domaine-là nous proposer une scène assez osée où Patrick envoûte la jolie secrétaire blonde (Andrea Belfiore, qui tournera à la même époque sous la direction de Cavallone – Blow Job- puis, beaucoup plus tard, chez l’impayable Bruno Mattei). Celle-ci commence à se pavaner à poil autour de lui, léchant langoureusement le montant métallique de son lit (chacun ses fantasmes : nous nous garderons bien de la juger) avant de se masturber joyeusement sur un canapé attenant. Là encore, la scène fut censurée dans la mesure où certains plans insistants de Landi frisent le hard.

En dehors de ces passages crapoteux, le film n’a qu’un intérêt moyen. Pas forcément désagréable, il décourage les meilleures volontés par le caractère beaucoup trop lâche de son intrigue. Les comédiens tentent, vaille que vaille, de montrer un peu de conviction mais leurs personnages sont beaucoup trop inconsistants pour emporter l’adhésion. Côté distribution, on notera que Gianni Dei qui incarne Patrick jouait déjà dans Giallo a Venizia. On pourra aussi revoir avec plaisir Carmen Russo, une des vestales de la « comédie sexy » (La Vamp du bahut), et Sacha Pitoëff dans son dernier rôle au cinéma. Rappelons que l’acteur tourna aussi bien sous la direction de Clouzot (Les Espions), Demy (Peau d’âne) et d’Argento (Inferno) que d’Alain Resnais puisqu’il fut le mystérieux mari M de L’Année dernière à Marienbad.

Tout cela ne fait pas une œuvre inoubliable mais le témoignage sympathique d’un cinéma qui osait tout et qui n’avait peur ni de heurter, ni de se vautrer dans le mauvais goût le plus complaisant.

i En 1967, il tourne pour le cinéma un Maigret à Pigalle qui, sans être époustouflant, se révèle de bonne facture.

ii Oui, je viens de terminer un roman de Queneau et j’ai décidé d’adopter ce délicieux gallicisme.

Retour à l'accueil