Visage(s) du cinéma italien : la science-fiction
Omicron (1963) d'Ugo Gregoretti avec Renato Salvatori, Rosemarie Dexter
Un petit flash-back s'impose avant d'évoquer l’œuvre. Fin 2021, alors qu'on sort à peine des confinements et autres couvre-feux, la planète découvre que le Covid n'a pas dit son dernier mot et qu'un nouveau variant du virus a fait son apparition : Omicron. C'est alors que ressurgit le titre d'un obscur film de science-fiction italien, des années 60, portant le même nom et qui fait les gorges chaudes à des internautes. Le cinéphage rigolard le télécharge alors et se retrouve pris au dépourvu lorsqu'il s'agit d'explorer ses différents fichiers utiles à son imposante exploration des différents visages du cinéma italien. Il ne peut désormais plus y couper : il faut voir Omicron.
Bien qu'il ait essentiellement tourné pour la télévision, Ugo Gregoretti n'est paradoxalement pas un inconnu. Le G final du fameux film à sketches Rogopag (pour « ROssellini, GOdard, PAsolini1), par exemple, c'est son initiale. Il retrouvera d'ailleurs Godard (et Chabrol et Polanski) une année plus tard en tournant un sketch du film Les Plus Belles Escroqueries du monde.
Entre ces deux films collectifs, Gregoretti sort Omicron, un film qui démarre sur un postulat de science-fiction mais emprunte essentiellement les chemins de la comédie satirique.
Alors que les autorités le considèrent comme mort, Angelo (Renato Salvatori) est en fait victime d'un envoyé extra-terrestre qui occupe son corps. Venu de la planète Ultra, il doit étudier les comportements humains afin de préparer une invasion de la Terre. Peu à peu, Angelo redécouvre ses réflexes, puis la parole et son intelligence...
Chaque étape de l'humanisation d'Angelo est une source de gags plus ou moins légers. Ce sont d'abord les coups qu'il porte involontairement lorsque ses muscles se bandent brutalement. Ce sont aussi les expressions faciales qu'il imite et qui le poussent, par exemple, à imiter le bruit d'infernales flatulences pendant que de doctes individus discutent de son cas dans une pièce voisine. Avant de pouvoir parler, Angelo retrouve le réflexe des gestes qu'il effectuait dans son usine, mais avec une efficacité redoublée. Gregoretti débute alors sa critique du capitalisme outrancier en montrant des patrons très heureux de retrouver un ouvrier capable d'imprimer un nouveau rythme aux cadences. Pour les patrons, cet individu déshumanisé et robotisé représente la panacée et l'image parfaite de l'ouvrier tel qu'ils le rêvent : docile, efficace, servile et travailleur.
Malheureusement, le principe du film s'avère vite répétitif. Il s'agit, à chaque fois, de placer Angelo dans un environnement où ses gestes vont vite se révéler incongrus. Le contremaître, par exemple, l'invite chez lui et sa femme lui apprend à danser et à embrasser. Gestes qu'Angelo cherchera à reproduire immédiatement...sur le mari !
Peu à peu, notre « héros » va acquérir une forme d'intelligence et de conscience. Il va être capable d'ingurgiter à une vitesse inhumaine toutes les connaissances humaines, se montrant perplexe devant la littérature d'Alain Robbe-Grillet, mettant de côté un livre de Beauvoir sur Bardot et trouvant « trop long » Autant en emporte le vent.
Avouons-le : tout cela est un peu poussif et les grimaces de Salvatori (grand acteur qui fut l'un des frères de Rocco dans le film de Visconti et qui tourna sous la direction de Risi, De Sica, Comencini, Rossellini, Ferreri, Rosi, Bertolucci...) sont un peu lassantes. Pour l'extra-terrestre qui est dans son corps, un seul espoir : que l'individu soit tué afin qu'il puisse regagner sa planète. Mais le suicide lui est interdit. Il cherche donc à se faire tuer en épluchant les faits divers dans le journal : traiter un homme de cocu ou manquer de respect à sa sœur, trahir ses collègues grévistes... Optant pour une solution d'un goût douteux, il choisit de violer son amie (Rosemarie Baxter, vue chez Leone, Bertolucci, Risi ou De Broca) en espérant qu'elle le tue en guise de représailles !
Au-delà de ces péripéties assez fatigantes, le plus intéressant demeure le sous-texte politique de l’œuvre. Toutes proportions gardées, Omicron annonce le They Live de Carpenter avec des extra-terrestres qui prennent le visage des grands patrons désireux d'asservir l'humanité laborieuse. Sans conscience et capable de dénoncer ses camarades, Omicron/Angelo représente une sorte d'ouvrier idéal. Et c'est ce travailleur anesthésié et exploité par le patronat que Gregoretti entend secouer avec sa fable.
On l'aurait néanmoins aimé moins lourdingue et plus mordante.
1C'est dans le cadre de ce film que Pasolini réalisa La Ricotta avec Orson Welles qui lui valut un procès.