Grazie… nonna (1975) de Marino Girolami avec Edwige Fenech, Valerio Fioravanti, Enrico Simonetti

Visage(s) du cinéma italien : 78- Marino Girolami

Marino Girolami, aka Franco Martinelli ou Frank Martin, est le frère du cinéaste Romolo Guerrieri (L’Adorable Corps de Deborah) mais aussi le père du comédien Ennio Girolami et du réalisateur Enzo Girolami, plus connu sous son le nom d’Enzo G. Castellari (Keoma, Big Racket…). Avec cette dynastie, nous plongeons une fois de plus au cœur de ce cinéma artisanal et populaire italien que nous n’avons pas fini de redécouvrir. Marino, le patriarche, c’est près de 80 films au compteur et, comme vous le savez désormais, une capacité d’adaptation à tous les filons en vogue entre les années 50 et les années 80 (sa carrière prend fin en 1982).

Il a donc signé des films d’aventures (Un chant dans le désert en 1960), de nombreuses comédies, y compris avec les redoutables Franco et Ciccio (Franco, Ciccio et les veuves joyeuses en 1967), des péplums (La Colère d’Achille), des westerns (Les Sentiers de la haine, Un colt et le diable et Les Terreurs de l’Ouest sur un versant parodique, avec les inénarrables Brutos où débuta Aldo Maccione), des poliziotteschi (Rome violente en 1975), des films d’horreur (La Terreur des zombies) et une palanquée de comédies sexy et de films érotiques soft qui firent les riches heures de la case du dimanche soir sur M6 (c’est là que je découvris, si l’on me permet ce petit aparté nostalgique, le nullissime Chaleurs exotiques).

Difficile de choisir un film dans ce menu pour évoquer Marino Girolami. Voulant rendre hommage à la poésie des titres français dont furent affublées certaines de ses œuvres et estimant qu’un honnête homme se doit d’avoir vu une fois dans sa vie Quatre zizis au garde à vous, j’avais pensé m’attaquer à ce gros morceau. Mais en constatant qu’il s’agit d’une comédie très masculine, aux relents de pieds de troufions et de blagues salaces, j’ai vite abdiqué. Quitte à avaler un navet, autant qu’il soit agrémenté d’un peu de charmes féminins !

Avec Grazie… nonna, j’allais être servi puisque c’est Edwige Fenech, la diva de la jambe légère et du décolleté pigeonnant, qui tient le rôle principal. Notons que le film eut aussi droit à un titre français particulièrement gratiné puisqu’il est généralement connu sous le nom d’ Ah ! mon petit puceau ! (qui a dit qu’on ne savait pas s’amuser à cette époque ?). Si l’on ajoute que le film précédent de Girolami (où jouait déjà Edwige Fenech) avait été traduit Marche pas sur ma virginité, on aura compris que nous abordons des sphères cinématographiques assez éloignées de celles de Bresson ou Dreyer.

Et pourtant, en dépit d’une version française calamiteuse (les voix suraiguës des personnages féminins sont insupportables), le film est moins catastrophique que prévu. Girolami ne joue pas la carte de la comédie sexy hystérique (je vous parlais il y a peu des exténuants Et mon cul, c’est du poulet ? de Massaro ou de La Signora gioca bene a scopa ? de Carnimeo, déjà avec Edwige Fenech) mais davantage celle de la comédie sentimentale mâtinée d’un érotisme très léger (en gros, on aura le loisir de contempler deux fois la belle Edwige sous sa douche). Quant au scénario, Girolami ne s’embête pas puisque Grazie…nonna est un succédané à peine retouché de Malizia de Samperi, qui venait alors de triompher au box-office.

Ici, ce n’est pas une bonne qui sème la pagaille dans une famille respectable en portant à ébullition les hormones de tous les mâles mais la belle-mère d’un ingénieur qui débarque d’Amérique pour retrouver sa famille à Pise.

Craignant de voir débarquer dans leur vie une vieille femme désireuse de mettre la main sur la fortune familiale, le père charge son plus jeune fils Carletto (Valerio Fioravanti) d’aller s’occuper de son aïeule. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il voit débarquer la splendide Marijuana (Edwige Fenech), qui va peu à peu séduire toute la famille, qu’il s’agisse de Carletto, de son frère aîné ou de son père.

On aura reconnu aisément la ligne directrice de Malizia, jusqu’à la scène d’orage qui scellera l’union charnelle de l’adolescent de sa belle « grand-mère » à qui il offrira son pucelage. Cette trame relativement solide fait d’ailleurs que le film se regarde sans ennui.

Malgré tout, les différences avec le film de Samperi sont nombreuses. La mise en scène de Girolami est beaucoup plus plate et le film manque un peu de rythme. Les gags sont plus patauds (Edwige marche dans un crottin de cheval avant que son chevalier servant lui fasse la courte échelle pour l'aider à enfourcher sa monture) et les allusions assez lourdingues (une batte de base-ball tenue de manière très équivoque par Carletto). Ensuite, malgré toute l’affection que j’ai pour Edwige Fenech, il faut reconnaître qu’elle n’a ni le talent, ni la beauté de la splendide Laura Antonelli. Enfin, Girolami évince toute la dimension critique et satirique du film de Samperi, qui faisait de son héroïne un révélateur des bassesses d’une société patriarcale hypocrite.

Dans Grazie… nonna, Marijuana est l’objet de tous les regards mais jamais cette réification n’est mise à distance ou dialectisée. L’érotisme du film repose sur un voyeurisme naïf où la caméra épouse le point de vue des personnages masculins et va lorgner par les trous de serrure, derrière les portes entrouvertes des salles de bain ou dans les généreux décolletés de l’héroïne. Rien de méchant, donc (tout cela reste bon enfant, sans violence) mais rien de bien palpitant dans la mesure où Marijuana n’agit jamais ou presque en sujet désirant (à l’inverse d’Angela dans Malizia).

Reste donc une comédie oubliable, qui vaut surtout pour la curiosité de son casting. Je ne reviens pas sur la carrière d’Edwige Fenech mais on notera que dans le rôle du père, on trouve Enrico Simonetti, musicien, chef d’orchestre et également père de Claude Simonetti, bien connu des cinéphiles pour les musiques qu’il composa pour Dario Argento, avec ou sans son groupe Goblin.

Enfin, dans le rôle du « puceau » tourneboulé par les charmes de la belle Edwige, on trouve Valerio Fioravanti qui débuta comme enfant acteur, notamment dans des westerns d’Edoardo Mulargia (El Puro, la rançon est pour toi, Shango, la pistola infallibile), avant de devenir célèbre pour des motifs beaucoup plus tragiques. Fioravanti se tournera effectivement vers la lutte armée et le terrorisme d’extrême-droite, en participant notamment au tristement célèbre attentat de la gare de Bologne qui fit 85 morts et en passant 26 ans sous les verrous.

Si l’on se souvient que le jeune Alessandro Momo qui donnait la réplique à Laura Antonelli dans Malizia et Péché véniel périt à 17 ans dans un accident de moto, on se dit que les rôles d’adolescents séduits par des femmes plus âgées qu’eux n’ont pas porté chance à ceux qui les endossèrent…

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