C’était il y a à peine un an. Vincent Malausa écrit alors un papier assassin dans le Plus du Nouvel Observateur sur No pain, no gain du tâcheron Michael Bay et déclenche un de ces tollés dont il a le secret. Je me souviens m’être engueulé avec un type pour voir défendu la liberté du critique et avoir trouvé les réactions outrées (insultes en tout genre) bien disproportionnées (un film de Bay, quoi !). Plutôt que de se réfugier dans sa tour d’ivoire, Vincent Malausa est descendu dans l’arène et… a ouvert un compte Twitter.

Alors que certains critiques « pros » (ou pas, d’ailleurs) sont d’un snobisme à toute épreuve et daignent à peine vous répondre lorsque vous tentez d’échanger avec eux (je ne citerai personne), Vincent s’est d’emblée révélé comme le critique le plus ouvert à la discussion, le plus drôle et le plus piquant. Avec quelques autres (n’oublions pas de citer les toujours très aimables et passionnants Nicolas Saada –ex Cahiers du cinéma-, Adrien Gombeaud et Laurent Vachaud de Positif, Christophe Narbonne de Première…) ; il fait partie des critiques avec qui j’ai le plus de plaisir à échanger régulièrement.

Sur Twitter, nous pouvons aussi bien évoquer l’actualité cinématographique que nous replonger dans les délices du cinéma d’horreur des années 80 (Vincent est un fan du méconnu et très réussi Street Trash de Jim Muro). Volontiers provocateur, je m’amuse beaucoup à voir les réactions épidermiques qu’il suscite, aussi bien chez les cinéastes sans talent (je ne citerai pas de nom mais beaucoup l’auront reconnu) que chez les « geeks » ou les… décoratrices d’intérieur (mais je crois qu’il vit désormais une grande histoire d’amitié avec Valérie Damidot)

Pour les 10 ans de ce blog, Vincent Malausa a eu la gentillesse de me proposer une petite critique d’un film que j’aurais volontiers défendu ici-même. En relisant ma première note, j’ai réalisé que j’avais écrit ne pas avoir l’ambition de devenir critique aux Cahiers du cinéma en débutant ce blog. En accueillant aujourd’hui avec grand plaisir une des meilleures plumes actuelles de cette mythique revue, on peut dire qu’une certaine boucle est bouclée…

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La Marque du diable de Michael Armstrong (1969) 

 

The Ecstasy of Films

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Le film d'inquisition fut un micro-genre du cinéma d'horreur des années 60 porté par deux films-étendards : Le Grand Inquisiteur de Michael Reeves (1968) et La Marque du diable de Michael Armstrong (1969), restés dans les mémoires pour leur cruauté outrée et un hyperréalisme assez novateur pour l'époque. La sortie de La Marque du diable dans une édition collector qui ravira les fétichistes (un sac à vomi promotionnel datant de la sortie du film accompagne le coffret !) fait écho aux éditions VHS de René Château qui vantaient ces "films que vous ne verrez jamais à la télévision" (Massacre à la tronçonneuseZombieManiac...). De fait, le film d'Armstrong, cinéaste britannique oublié, n'a rien perdu de ce pouvoir oppressant qui le fit interdire en France malgré son succès mondial : dans un village autrichien du XVIIIème siècle, un inquisiteur monstrueux torture et décime des femmes innocentes avant de se faire voler la vedette par un envoyé du pouvoir censé réguler - mais qui ne fait que décupler- ce déchaînement de sadisme. Le cinéaste filme cette fable infernale avec beaucoup de raffinement, dans un mélange de reconstitution médiévale et de démence plastique qui suspend les scènes de torture en une suite de tableaux hallucinés. Croisant réalisme et folie, dépeignant un univers entièrement régi par les pulsions, Armstrong joue du contraste entre sensualité psychédélique (il a commencé avec David Bowie et lance ici Udo Kier) et cauchemar totalitaire réduisant les corps à néant (les mécanismes de torture insensés). Dans ce genre particulièrement outrancier, il n'est pas dit que La Marque du diable ait été égalé depuis sa sortie. 

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