Nuits brûlantes (1978) de Burd Tranbaree (alias Claude Bernard-Aubert) avec Brigitte Lahaie

 

Reprenons le chemin, si vous le voulez bien, des Enfers du cinéma français leste des années 70. Cela fait déjà un petit temps que nous n'étions pas revenu sur notre vaste entreprise d’archéologie du cinéma érotique. Le retour est pour aujourd'hui avec ce Nuits brûlantes.

Première étape : identifier ce film diffusé, comme toujours, dans sa version « émasculée » (nul doute qu’il s’agit, à l’origine, d’un bon vieux porno) et re-titré pour la diffusion télévisée (encore que l’on retrouve ce titre de Nuits brûlantes dans la filmographie de Brigitte Lahaie établie par Tulard dans le Dictionnaire des acteurs). Après moult et laborieuses recherches (le bougre Tranbaree tournant parfois sept ou huit films par an !), je suis en mesure de vous révéler que ce film est la version soft d’une œuvre sortie sur les écrans en avril 78 (30 ans déjà !) sous ce titre évocateur : les grandes jouisseuses (veuillez prendre des notes, je vous prie !).   

Quand au réalisateur dudit chef-d’œuvre, nul n’ignore désormais que derrière l’anagramme sibyllin de Burd Trambaree se dissimule Claude Bernard-Aubert, l’un des rares cinéastes ayant réussi à mener deux carrières de front : d’un côté, celle d’un stakhanoviste du porno hard pendant l’âge d’or des années 70 et le reflux des années 80 ; de l’autre, une filmographie avouable marquée par la guerre d’Indochine (les tripes au soleil) et une collaboration avec Gabin (l’affaire Dominici)[1].

Contrairement à ce que laisse craindre les apparences, Nuits brûlantes n’est pas si mauvais que ça (j’ignore si beaucoup de mes lecteurs ont pu voir Les nymphomanes du même Tranbaree mais c’est absolument abominable) et le début est même assez plaisant.

Pourquoi ? Parce que Tranbaree joue essentiellement sur le caractère onirique et fantasmatique du genre. Plutôt que de faire croire à ces histoires idiotes où de grandes bourgeoises se pâment immédiatement à la vue de facteurs moustachus ou de laitiers testiculeux, le cinéaste organise ses scènes en épousant les fantasmes d’un homme qui rejoint en rêve sa belle voisine (la plantureuse Brigitte Lahaie, dans la splendeur de ses 23 ans) pour de brûlants ébats que je ne décrirai pas pour ne pas heurter mes lecteurs mineurs.

Tout est possible dans cet univers imaginaire et puisque la photo est plutôt belle et les éclairages soignés , on est plutôt séduit par les premières scènes oniriques et assez étranges du film (Brigitte poursuivit par un vilain moustachu dans une pièce vide avec une moquette rouge : on se croirait presque chez Lynch !). Alors que je râle généralement contre les monteurs sauvages qui « castrent » les films X pour les édulcorer et permettre leurs diffusions en « prime time », je dois avouer que, pour une fois, la version « soft » est sans doute supérieure à la « hard » dans la mesure où Claude Bernard-Aubert ne filme pas souvent en gros plans (ô que cela nous soulage des films X actuels tournés à la chaîne !) et que les coupes ne doivent concerner que quelques inserts « hard » dont j’avoue m’être fort bien passé (plus besoin de déplorer, comme le critique de la  Saison cinématographique 78  « les (faux) jets de sperme sur les visages féminins après l’effort »)

Du coup, le film s’avère dans un premier temps plutôt élégant et assez sensuel (les corps ne sont pas seulement regardés comme des quartiers de viande à l’étal d’un boucher !).

Malheureusement, il devient un peu répétitif à la longue et Burd Tranbaree ne fait pas preuve d’une grande invention lorsqu’il s’agit de nous embarquer sur les territoires pourtant propices du rêve et du fantasme. Manque d’imagination ? Sans doute…Manque de moyens ? Peut-être… Toujours est-il qu’on finit par bailler un peu malgré l’intérêt que nous portons (ne le dissimulons pas !) à ces dames des temps jadis, beaucoup plus émoustillantes que les poupées préfabriquées à la chaîne (sur le moule de Jessica Alba, eh ! eh !) d’aujourd’hui qui sont pour moi aussi excitantes qu’une tranche de salamis dans un pot de confiture !

Et puisque certains éditeurs de DVD n’hésitent pas à revisiter les territoires en friche de la comédie italienne désolante, pourquoi ne pas les pousser à se pencher davantage sur le cinéma érotico-pornographique des années 70 et entreprendre un vrai travail de redécouverte.

Pas sûr que nous ne redécouvririons pas quelques pépites…


 



[1] Vous me direz que d’autres pornocrates ont tourné des films « normaux » mais soit il s’agissait d’exceptions dans une filmographie essentiellement vouée au sexe (ex : Francis Leroi ou Gérard Kikoïne), soit de cinéastes glissant vers le X après une longue carrière dans le cinéma bis (Rollin, Franco…) 

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